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Le 20/01/2018

 

5 janvier

            Sur la grande page céleste d’un blanc sale, le graphisme noir des branches.

            On ne voit pas aussi nettement l’épais fusain des troncs, estompé par les teintes et dessins des immeubles derrière. Seule l’arborescence des branches finement se crayonne, au point que l’on peut distinguer les petites boules noires des bourgeons à leurs extrémités.

            Karnik Zouloumian, plus connu sous le nom d’artiste de Carzou, a été inspiré par cette noire et subtile arborescence au point d’en avoir fait une technique de dessin qu’il appliquait à la plupart de ses figures.

 

7 Janvier

            Une dame âgée, avec son chien minuscule. Ils avancent lentement sous les arbres.

            Soudain les deux s’arrêtent. La dame regarde vers le sol, et le chien fixe le promeneur qui les a croisés. La laisse forme une jolie courbe entre la dame et le petit chien. Ils restent ainsi dans le silence autour. Le froid est vif ce matin d’hiver : se sont-il gelés tous les deux pour témoigner du Lien devant l’éternité ?

 

9 janvier

            Le misérable jour a tant de mal à s’imposer !

            Il ne réussit à chasser la nuit, après de terribles efforts, qu’à huit heures et demie. Le jour sort blême de cette lutte désespérée, il peut tenir son éclairage miteux jusqu’au milieu de l’après-midi, pas plus. La nuit revient et, sans efforts, l’abat d’un seul coup…

            Mais de cette lutte courageuse et quotidienne, le jour tire peu à peu des forces. Et de ses faciles victoires la nuit progressivement s’affaiblit.

 

11 janvier

            Depuis quand tu es en faillite ?

            Sur une vitrine maculée de tags, taches et poussière, une grille rabattue que les affiches lacérées peu à peu se sont lassées de couvrir. Au sol, un amas de courrier sans destinataire, puisque tu t’es pour toujours absenté. Personne donc ne veut de toi. Qu’est-ce que tu étais avant ? Un pressing, on dirait… Jadis les vêtements ressortaient neufs et pimpants de ton zèle, mais aujourd’hui, tu es ce loqueteux devant qui l’on passe, sans jeter le moindre regard.

            Tu rejoins la cohorte discontinue des épaves automobiles, des magasins sans repreneurs, des maisons condamnées, des zones en friche, des encombrants jamais récupérés, des jardins d’orties et de ronces.

            Vous toutes et tous ne servez plus… Alors, sans le moindre engouement ou intérêt, dans la suspension de votre temps, enfin, le promeneur peut vous contempler.

 

13 janvier

            Pas d’autre son, dans le logis, que le souffle du radiateur et, derrière (mais un étagement des sons en profondeur, est-ce juste ?) la rumeur de la ville, soit le grondement très lointain mais permanent des voitures.

            Attente du bruit accidentel venant contrarier ce « silence » composé…

 

            Vague aboiement d’un chien, dans l’immeuble, soudain, interrompant cet immobile parcours dans le silence gelé.

 

            Il y a un haïku de Shiki qui dit :

            « Désolation hivernale –

à la traversée d’un hameau

            un chien aboie »

 

15 janvier

            Dans la nuit, les rectangles lumineux des fenêtres.

 

            Vague luminescence des planètes dans l’épaisseur noire, intersidérale.

            La Substance, c’est la nuit, le néant, le silence, l’obscurité. Et l’accident, c’est la lumière… D’une étoile, d’une planète, d’une météorite.

 

            Quand très tard le noctambule marche dans les rues désertes et sombres, toute fenêtre allumée ressemble à un foyer rassurant, mais la silhouette noire, immobile, barrant cette source de lumière peut devenir inquiétante.

 

            Quand, après un voyage interminable dans la nuit de l’espace, le cosmonaute arrive sur une exoplanète luminescente, c’est une halte possible. Mais que va-t-il y trouver ?

 

17 janvier

            Vie sourde, permanente de l’organisme dont bien sûr on n’arrête pas de se distraire. Sauf l’hypochondriaque, toujours à l’écoute, radical dans l’application de la célèbre formule du chirurgien Leriche : « La santé c’est la vie dans le silence des organes ».

            Il se trouve que l’organisme est bavard, surtout la cocotte intestinale. Par ailleurs, toutes ces douleurs erratiques, éphémères, incompréhensibles… En général l’action ou le spectacle du monde nous font oublier le sac de viscères que nous sommes. Quand il se rappelle à notre attention, ce peut être juste l’Enfant, l’Animal en nous qui parfois s’expriment. Ce n’était juste que des signes, l’hypochondriaque en fait une maladie. 

3 janvier

            Une pellicule d’or accompagne le promeneur au sol, la nuit quand il a plu toute la journée. Elle se déploie devant lui et passe lentement sous ses pieds.

            Tout brille autour de lui. Les illuminations clignotantes de Noël, les vitrines qui étincellent et la pellicule d’or des trottoirs. Il aimerait tant voir briller les étoiles, mais les lumières de la ville les aveuglent et, de toutes façons, la chape de nuages n’offre du ciel qu’une masse cuivrée, sombre et menaçante.

            Les hommes préfèrent-ils tout ce qui brille à l’encontre de ce qui reste mat ? Le terne garderait-t-il encore une seule chance de séduction ?