Cinéma

S’identifier au personnage dans un film

 

Le phénomène d’identification joue un rôle énorme dans la dramatisation d’un film. Nous ne garderons pas la définition de ce qu’est l’identification au niveau psychologique, à savoir ce processus par lequel une personne se transforme partiellement, de façon provisoire ou permanente, en assimilant un trait, ou un ensemble de traits, d’une autre personne.

Dans l’identification au personnage dont nous parlons ici, nous nous prenons provisoirement pour lui, sans doute parce qu’il nous ressemble par quelques aspects, par certaines de ses réactions. Nous nous reconnaissons suffisamment en lui pour que ce qui lui arrive, ou risque de lui arriver, nous touche directement.

Dans le film Frost du lituanien Sharunas Bartas, le personnage de Rokas s’est porté volontaire pour conduire un camion d’aide humanitaire en Ukraine, traversant la région de Donbass, et s’approchant de la ligne de front. Il est en partie inconscient des périls mortels de la guerre (comme dit le réalisateur : « c’est quelqu’un qui n’a jamais connu la guerre, qui n’en a pas intériorié les dangers »). Rokas est mu par une curiosité adolescente, garde une dose de naïveté. Mais, dans de multiples réactions que lui prête le réalisateur, il est tout à fait possible de se retrouver en lui. Ce n’est pas un héros, mais il veut voir, comprendre…

Lorsqu’à la fin du film, accompagné d’un soldat, Rokas s’aventure sur la ligne de front, le spectateur qui s’est identifié à lui ressent terriblement les dangers qui menacent cet innocent : tirs de snipper, mines. La tension est d’autant plus forte que ces dangers ne sont pas visibles. L’identification au personnage suscite une dramatisation vécue de l’intérieur, constituant l’un des éléments de réussite d’un film.

Pour que cette identification s’opère, le réalisateur doit donc travailler le personnage, ses réactions, sa conduite, de façon à nous le rendre proche, voire sympathique. Le contraire du super-héros, que nous ne sommes pas… L’incertitude sur le sort du personnage auquel nous nous identifions croise notre anxiété habituelle sur ce qui nous menace dans la vie. En même temps, le personnage doit rester suffisamment énigmatique, silencieux pour qu’on puisse projeter sur lui des sentiments qui sont en fait les nôtres.

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