Peinture - Claude Lorrain

Paysage avec Tobie et l'Ange

Ce tableau, Paysage avec Tobie et l'Ange, est le pendant du Port d'Ostie avec l'embarquement de sainte Paule.

Nimbé d'une lumière d'un ocre roux et doré, ce paysage de rêve montre, au premier plan, deux personnages... Rappelons l'histoire biblique qui sert de prétexte au tableau : Tobie, sur l'ordre de l'Ange, ouvre un gros poisson avec le fiel duquel il guérira la cécité de son père.

Les deux personnages pourraient se fondre dans cette lumière magique si le drapé bleu de l'archange ne venait faire tache sur la végétation brune du premier plan. Un second plan jette les notes argentées d'une rivière, et blanches de son écume, à gauche du tableau, tandis qu'une sorte de tour et un arbre touffu répondent à un autre arbre, bien plus grand au premier plan, arbre qui monte jusqu'en haut du tableau. Ces deux arbres, à gauche et à droite, enserrent le ciel qui constitue le troisième plan, le plus important, de l'oeuvre.

Cet encadrement sombre créé par les deux arbres donne, par contraste, plus de puissance encore à la lumière mordorée de ce ciel mélancolique de fin de journée. Quelques nuages d'un gris orangé parsèment ce ciel typique du paysage classique, et un nuage vient relier les deux arbres à droite et à gauche du tableau, créant un cadre plus intime dans le cadre d'ensemble. Mais du coup aussi ouvrant la partie supérieure vers un ailleurs, un infini à connotation peut-être religieuse.

Même si la composition est académique, peut même paraître artificielle, le caractère onirique de cette vision, le subtil sentiment élégiaque, avec même des accents préromantiques, ne peuvent échapper au regard.

Claude Lorrain avait une prédilection pour les paysages du Latium, mais cette chaude lumière du Sud, il en atténuait les contrastes, les éclats, par une tempérance nordique. Il traitait indifféremment les sujets bibliques ou mythologiques, mais l'essentiel restait la lumière... Pas étonnant que Turner ait été profondément marqué par Claude Gellée dit le "Lorrain" !

Cette lumière de couchant, qui est en fait le principal sujet de l'oeuvre, fait se répondre la sublime transparence du ciel et le nacre subtil de l'eau. On veut bien croire que l'archange a, en descendant du ciel, apporté avec lui cette miraculeuse lumière...

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