« La Bohémienne » de Frans Hals
Sans doute l’un des meilleurs portraits de Frans Hals (1581 ?-1666), que l’on peut admirer au musée du Louvre, et qui a été exécuté dans la maturité de l’artiste, entre 1628 et 1630.
Deux obliques frappent d’emblée le regard : l’une est l’axe du corps et de la tête de la jeune femme, l’autre est l’ensemble des traînées bleu ciel et marron - dont on ne sait pas trop ce qu’elles représentent - du fond. Ces deux obliques se croisent, ce qui crée une dynamique dans le tableau. Mais il y a, en fait, une troisième oblique, virtuelle, constituée par le regard tournée vers sa gauche de la fille. On a donc un élément hors champ, sur notre droite, et invisible, qui capte le malicieux regard et provoque le sourire narquois de la bohémienne. On peut supposer qu’elle sourit à une allusion un peu leste qu’un homme lui a lancée. Comme la bohémienne n’a pas l’air farouche, comme elle exhibe une poitrine avantageuse et bien découverte, on peut imaginer sur quoi porte l’allusion qu’on lui a faite…
Les teintes chaudes dominent largement le tableau : incarnat des belles joues, rouge clair de ses lèvres, ocre rouge de son vêtement, et les marrons derrière sont réchauffés d’orange. Les quelques teintes froides (bleus dans la chemise blanche, sur le bas du cou, dans un pan de ciel derrière) permettent par contraste de rehausser ces teintes rougeoyantes et sensuelles.
Au détriment de la précision, les larges touches peignant les vêtements créent un foisonnement mobile, renforçant la dynamique de la composition en obliques croisées. Les cheveux sombres, fins et représentés dans leur fouillis, participent au désordre dynamique de l’œuvre. Ils suggèrent une certaine sauvagerie de l'Éros...
Le thème de l’œuvre, à connotations égrillardes, et les moyens choisis (composition, couleurs, touches picturales) convergent pour faire de « La Bohémienne » une œuvre exaltant l’exubérance de la jeunesse et la chaleur du désir.
Cependant, pour ne pas choquer la bienséance bourgeoise de l’époque, on fera de cette fille libre et provocante une Bohémienne, ce qui repousse la crudité du désir dans les marges de la bonne société hollandaise.