Gino Severini (1883 - 1966) - Nature morte (vers 1930)
Severini fut un représentant notable du futurisme italien. S'il eut des contacts avec le cubisme français, sa peinture fut aussi marquée par l'influence de Seurat. Il est passé Du cubisme au classicisme (c'est le titre de l'un de ses livres), mais sa peinture a toujours gardé un vibrant dynamisme, même s'il est sous-jacent...
Les objets de cette « nature morte » sont très hétérogènes : des vases, une langouste, un masque aux yeux noirs et à la bouche entrouverte. Ce qui fait penser aux télescopages surréalistes. Effectivement il y a un incontestable effet d’étrangeté. Mais la rigueur froide de la composition détourne de ce repérage hâtif.
En effet, on note une grande stabilité de la composition en triangle des trois objets blancs (vase, coupe, masque). Mais le support cubique sur le plateau de la table sont en oblique, ce qui crée un dynamisme. Par ailleurs l’arrondi du pampre de la vigne avec ses feuilles adoucit la composition.
Le niveau chromatique joue sur deux couleurs secondaires, souvent associées : le vert et le violet. La couleur orange de l’ananas, en haut, fait signe au carmin de la langouste en bas. Le fond est composé dans la manière pointilliste de petits carrés d’un pourpre plus ou moins appuyé. Ce qui reste de l’influence de Seurat…
Quant à ce qui reste des influences cubistes, on peut plaisanter (peut-être avec l’artiste complice) en disant qu’il ne demeure que ce… cube central. Mais la facture d’ensemble est classique. Avec quelque chose d'expressif dans le "cri" du masque (masque = emprunt à la peinture métaphysique de Chirico), dans le "piquant" de la langouste et de l'ananas, dans les divers contrastes qui nous sont proposés.