Avril 2019

2/4/19

Une excellente cure de rajeunissement pour le mental ?

La fantaisie.

 

4/4/19

La reconquête systématique par l'art contemporain de territoires abandonnés parce qu'ils sont devenus insignifiants. Un exemple dans la photographie, mais on pourrait en trouver dans d'autres arts : Guido Guidi, une figure importante de la photographie contemporaine italienne. Il s'intéresse aux marges des territoires, aux lieux désaffectés, aux espaces intermédiaires, aux trous dans le tissu urbain. Assurément il évite ainsi le cliché .

Mais l'insignifiant n'est pas forcément neutre, il peut véhiculer de l'ennui, de la tristesse et même de l'agacement.

 

6/4/19

De toutes les foires d'art qu'il a vues récemment il n'a pas gardé grand chose en mémoire, sauf d'avoir cherché longtemps à retrouver la phrase exacte de Baudelaire notant : "Parce que le Beau est toujours étonnant, il serait absurde de supposer que ce qui est étonnant est toujours beau".

 

8/4/19

S'il est vrai que notre intestin est notre deuxième cerveau, il convient de se méfier des jugements de goût qu'il peut induire. L'impression de dégoût peut parfois émaner, sous forme de sensation interne et confuse, davantage de notre intestin que de notre véritable appréciation d'une oeuvre d'art.

 

10/4/19

Lorsque l'esthétique se mêle de ce qui ne la regarde pas a priori, on a cette tendance à mêler le beau au vrai (Boileau), la beauté à la vertu (Shaftesbury), ou à ne considérer toute chose qu'avec l'attitude et les catégories esthétiques (esthétisme de Wilde). Mais en fait nous subissons plutôt l'inverse aujourd'hui : des critères moraux ou logiques venant interférer avec des critères esthétiques, voire les contrer. Censure en vue.

 

12/4/19

Tout y est complexe, difficile, obéissant à des chaînes causales de niveaux différents. Dans cet espace de la contrariété, de la frustration majoritaires, rien de ce que nous attendons ne prend corps totalement. L'assurance n'y est jamais donnée, la fin y est toujours incertaine, suspendue et indécidable. C'est la réalité.

Dans cet autre monde-là, les choses et les êtres, simplifiés de façon subtile à répondre à nos secrètes attentes, s'inscrivent dans un agencement global dont le but final reste mystérieux. On perçoit, ou l'on sait, qu'il existe une cohérence. La fin, heureuse ou malheureuse, ne nous embrouille pas. C'est le monde de l'art.

 

14/4/19

Il s'agace de ce que, toutes les qualifications négatives ayant un ou plusieurs synonymes plus indulgents, euphémistiques, le monstrueux égoïste puisse, lui, se dire "personnel", "entier", que l'impulsif ait les moyens de se blanchir de "spontanéité", que l'être inconsistant, faible puisse se parer de "gentillesse", etc. Grâce à tous ces euphémismes, jamais ils ne se remettent en question, admettent leurs travers.

Et puis il songe que tous ces qualificatifs serviront d'avocats de la défense tout de même, au "jugement dernier"...

 

16/4/19

 Si la grande beauté donne les moyens d'oublier, et presque d'effacer, la mort, c'est peut-être parce qu'elle fait entrevoir le possible de l'éternel, d'un éternel retour.

 

18/4/19

Souvent tu évolues dans un paysage mental mais tu ne le sais même pas. Il est suffisamment ample pour que tu ne t'en rendes même plus compte, comme si c'était la normalité des choses... Mais non, c'est le paysage intérieur d'un sentiment, et ta perception de la réalité, loin de modifier ce paysage mental, s'adapte à lui, vient même l'enrichir.

Comment faire pour se débarrasser d'un paysage mental s'il est, par exemple, l'image même de ta tristesse ? C'est d'autant moins facile que tu baignes dedans. Il confère une sorte d'unité tonale à ta vie intérieure.

Le concept de Stimmung, apparu vers 1770, est très précieux, en psychologie et en esthétique : tonalité affective, état d'âme, disposition thymique, la Stimmung, créant un paysage mental, est le grand allié des artistes puisqu'il offre une belle unité de sentiment à l'oeuvre... Mais il peut devenir fatal à celui qui, prisonnier d'un paysage mental désespéré, incapable de l'extérioriser dans une oeuvre (musicale, littéraire, picturale, etc.), ignorant de la possibilité d'autres paysages, prend son paysage mental pour la réalité.

Non, la réalité est, stricto sensu, a-pathique, juste indifférente, objective, inhumaine.

 

20/4/19

"La musique creuse le ciel", écrit Baudelaire dans Fusées.

Il dit là quelque chose d'essentiel mais que nous n'éprouvons pas souvent, parce que nous sommes pris dans la matérialité d'un concert ou simplement des sons. Ou parce que nous n'arrivons pas à dissiper les nuages de nos soucis. Mais quand, enfin, la musique creuse le ciel, ce peut être assez vertigineux pour qu'une personne cherche à retrouver, sa vie durant, cette sensation fugace, mystique, et devienne mélomane.

 

22/4/19

Une incursion dans un pays limitrophe, et les mêmes impressions, heureuses et malheureuses...

Heureuses grâce aux différences, aux petites différences : l'architecture, l'alimentation, l'accent des gens, etc.

Malheureuses à cause de la non-différence, de la standardisation : les buildings, les MacDo, le "globish", etc.

En dehors de quelques pratiques cruelles, haïes, laissons les cultures être et se développer dans ce qu'elles sont. Quel que soit le système socio-économique finissant par s'imposer, par son côté juste et raisonnable, il n'y aucune raison qu'il pèse sur les cultures dans leur fertile diversité.

Mais alors que fait-on avec la science, cette langue universelle ? Par exemple elle décrète, par l'intermédiaire de la diététique, que le meilleur régime du monde est le régime crétois : que doit-on faire alors avec les gastronomies, les traditions alimentaires d'autres pays, que l'on sait malsaines ? Conserver quelques plats emblématiques, pour les festivités, comme éléments du patrimoine culturel ?

 

24/4/19

Dans les immenses serres des fleurs soignées et splendides. 

Alors il songe à la beauté simple, timide, sauvage des fleurs des champs...

Puis à la sophistication des corps et visages de quelques mannequins célèbres, comparées à l'éclat sain, robuste et joyeux de quelques paysannes cueillant le raisin.

 

26/4/19

Mes très chers amis, je vais devoir un jour définitivement vous abandonner, alors même que notre épopée fantastique n'est pas terminée, que je n'ai toujours pas compris le sens global et final de toute cette histoire, et que là où je me trouverai, et malgré le temps infini dont je disposerai, il me sera impossible d'élucider davantage ce qui n'aura été peut-être que : "a tale/Told by an idiot, full of sound and fury,/Signifying nothing", comme l'écrivait génialement Shakespeare.

 

28/4/19

Quand tu fais quelque chose pour fuir l'ennui, et non pour cette chose, tu retrouves l'ennui le plus souvent, mais cette fois déguisé en rapide lassitude à l'égard de cette chose.

 

30/4/19

L'un des biais par lesquels aborder le génie artistique serait le dépassement du moi.

Le moi, comme intermédiaire entre les pulsions et les idéaux, comme serviteur zélé au service de l'adaptation, existe toujours bien sûr, mais il est ici bousculé le plus souvent par une entité qu'on peut appeler le Soi, un Soi puissant, androgyne, d'ample sympathie voire empathie à l'égard de l'humain, un Soi où les réalités multiples du monde n'arrêtent pas de se rencontrer dans un curieux désordre, un Soi emporté par une énergie telle (sans doute économisée par ailleurs sur certains efforts d'adaptation) qu'il rend possible un travail énorme, dont le moi habituel, par souci d'équilibre, serait vite lassé.   

   

 

 

 

   

 

 

 

 

 

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