Avril 2020

5/4/20

Une épidémie... Une quarantaine... Des cadavres vite enterrés... Des masques pointus sur le visage des vivants. Nous voici en plein Moyen Âge !

 

7/4/20

C'est parce que vous restez, toutes et tous, misérables mortel(le)s et condamné(e)s à le savoir et à devoir faire avec cette condition, qu'en dépit de tout ce qui nous sépare, vous êtes mes frères humains.

 

9/4/20

« Les vieux se répètent et les jeunes n’ont rien à dire. L’ennui est réciproque », écrivait Bainville.

La désespérante radicalité de la proposition amuse, ravit. On sait très bien que ce n’est pas tout à fait vrai, qu’il y a des exceptions, que le point de vue adopté est très biaisé, mais on sent également qu’il y a ici une part suffisante de vérité qui a été au maximum étirée.

Et que le monde dévoilé par cette proposition ressemble à une œuvre d’art originale, mais qui garde des points de contact avec la réalité…

 

11/4/20

Il s’efforçait de consciencieusement se bâillonner pour ne pas pouvoir dire autrement que par les lignes et les couleurs, les rythmes et la composition ce qu’il avait à exprimer. Et alors la trahison aurait été d’avoir pu répondre à la question banale : « Qu’est-ce que vous avez voulu dire dans cette œuvre ? » autrement que par ces mots : « Si j’avais un message à faire passer par les voies du langage habituel, croyez-moi, je ne m’en serais point privé ! ».

 

13/4/20

La disparition, globale, universelle et inévitable, est aussi accablante que l’apparition reste au fond mystérieuse.

 

15/4/20

Ce n’est pas forcément avec les êtres chers que nous avons les conversations les plus intimes. Avec eux, quand les échanges d’informations utiles ne prennent pas trop de place, nous tendons à maintenir une communication où prévaut la sympathie. Bien sûr, il existe une (pseudo)intimité reconnue, normée, voire médiatisée dans laquelle nous pouvons puiser un certain nombre d’éléments. Ces éléments de « conversation intime » sont rassurants à double titre : d’une part il ne s’agit pas d’une intimité bizarre, et d’autre part nous pouvons croire que notre relation aux être chers est suffisamment personnelle et profonde. Réassurance à bon compte…

Mais franchement, confions-nous aux êtres chers toutes les pensées grotesques, saugrenues ou extravagantes qui traversent notre esprit ?

 

17/4/20

La fenêtre entrebâillée, un peu de vent bouge les rideaux en broderie, et modifie la forme des ombres que le soleil y projette.

Le vent n’est visible que par ses effets. Les mouvements plus ou moins marqués du rideau témoignent des sautes du vent, imprévisibles, curieuses, ou alors objets de calculs d’une énorme complexité. Si l’on ne savait pas que c’était le vent qui remuait le rideau, on pourrait croire que des esprits veulent attirer l’attention. Les jeux de lumière dans le rideau, la fréquence et les variations des mouvements induits par le vent paraissent un langage sophistiqué, étrange.

Le monde est soit habité par les esprits, soit par les mathématiques.

 

19/4/20

Quelle ironie ! L'éternité nous est accessible, oui, mais seulement après notre mort...

 

21/4/20

Homme de science ou artiste ou curieux, tu cherches quelque chose qui se dérobe à ta recherche. Tu t'enfonces dans l'inconnu, et tu en perds le contact avec la vie sociale et ses conventions, avec ton entourage et ses habitudes. Ton chemin, difficile, est parsemé suffisamment de pépites pour que tu ne songes nullement à renoncer. Ta vie est devenue exaltante, échappant à la condition la plus commune.

Si, à partir de cette situation exceptionnelle, tu traces une ligne qui va exactement dans le sens opposé, tu vas rencontrer ce qui peut suffire à définir ce qu'on appelle, tout au bout, médiocrité.

 

23/4/20

L'illusion rétrospective de la plénitude...

Tu te vois sur la photo : ah, en ce temps-là, tu étais si heureux n'est-ce pas ?

En réalité, tu t'imagines comme un être clos, figé dans l'extase de ton présent. Or, en ce temps-là, tout comme maintenant, tu existais... C'est-à-dire que tu te projetais dans le futur avec ses incertitudes, et tu étais comme aujourd'hui taraudé par le passé, sa nostalgie, ses regrets.

 

25/4/20

Ah, déjà les fleurs des marronniers sont tombées ?... Ce sera ensuite le tour des marrons luisants s'éjectant de leur bogue hérissée puis, plus tard, des feuilles mortes. Et tout cela sera balayé, comme les illusions de notre jeunesse (les fleurs), nos créations diverses (les fruits) et même nos désillusions rabougries (les feuilles mortes). Tout sera balayé, d'un geste ample et las, par le balayeur du temps qui fait place nette.

 

27/4/20

"Beaucoup seraient sages s'ils ne croyaient pas l'être", écrivait Baltasar Gracian.

Imaginons une carte qui serait notre auto-appréciation, avec la reconnaissance honnête de nos manques, limites, insuffisances : là, voyez-vous, je ne suis pas bon, je manque de pondération, je pense par slogans parce que je n'ai pas assez réfléchi... Ici, en revanche, je crois n'être point trop mauvais, je m'efforce et je développe. Ici encore je reste dans une honnête moyenne, celle du sens commun. En fait que pouvons-nous faire de mieux pour ne pas chuter dans les insuffisances de la... suffisance ?

 

29/4/20

Des êtres masqués dans les rues vides, désertes, silencieuses, rendues aux pigeons et corneilles... 

 

   

 

 

 

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