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Avril 2022

2/4/22

            Quelle est la meilleure réponse au Néant qui vient, et qui est inévitable ?

            C’est l’Être, bien sûr. Jouir de l’Être, dont nous faisons partie. Ce qui est très différent d’une tension vers un Dieu personnel, auquel on peut s’adresser par la prière, cette valeur absolue dévalorisant le reste. Il faut donc bien distinguer l’immanentisme (dont une version serait le panthéisme) que l’on peut trouver chez un Spinoza (« Deus sive Natura » = Dieu, autrement dit la Nature) et les religions monothéistes, avec leur logique pyramidale, leurs restrictions et interdits, dont les morales en partie découlent.

 

 

4/4/22

            Il garde tout, accumule, c’est terrible.

            Sa mère pensait : « ça peut toujours servir ! ». Son père disait : « Il faut garder toutes les factures, on ne sait jamais ». Sa sœur accumulait tant de livres qu’elle lirait un jour ! Et même sa grand-mère, une mélancolique, conservait religieusement tant de choses.

            Alors le monde était au passé, dans la mémoire. Les choses figées bien sûr allaient tôt ou tard figer le temps. Lui serait fidèle, il aimerait toujours… Mais non, comme dit le poète (Brassens), « Le temps est un barbare/ Dans le genre d’Attila/ Aux cœurs où son cheval passe/L’amour ne repousse pas ».

 

 

6/4/22

            La bombance, les ripailles de la Camarde, c’est la guerre.

            Elle se gave, là ! Elle est au bord de la satiété, de l’indigestion ! Mais, de cette abondance de victimes, elle ne se plaint jamais…

 

 

8/4/22

            Maudite apparence qui se transforme en essence… Cette vieille fripée, décatie, misérable était jadis bien plus jolie que la merveilleuse, éclatante jeune fille qui passe à côté d’elle, et sera un jour, plus tard, encore plus hideuse que la vieillarde.

            Mais nous disons « une vieille » comme nous disons un « pruneau ». Et « une jeune » comme nous disons « une orange ». Comme si c’était leur nature intrinsèque, de tout temps !

 

 

10/4/22

  • Je ne compte pas vraiment…
  • Mais si, pour moi, en tout cas, tu comptes !
  • Le fait que je compte pour toi, en fait, ne compte pas beaucoup pour moi.
  • Que veux-tu alors ? La gloire ? C’est-à-dire compter un peu pour des inconnus ?
  • Dans le calcul final, je n’ajouterai rien (génie), je ne retrancherai rien (massacreur).
  • Mais la plupart des gens se contentent de l’amour de leurs proches et de la reconnaissance de leurs pairs. Ça leur suffit !
  • Je les envie… Je ne peux me résoudre à n’être qu’un zéro suivi de quelques décimales.
  • Ces quelques décimales représentent : elle l’a reconnu, il l’a reconnue. Ils se sont aimés, et c’était pour eux seuls, au milieu des vivants, innombrables… Ils n’ont compté pour personne en-dehors de l’un et l’autre. Confusément ils le savaient, et ça rend leur histoire pathétique, dénuée de toute vanité.

 

12/4/22

            Quant à savoir ce que les gens aiment ou n’aiment pas chez nous, la plupart du temps nous faisons fausse route. Nous croyons qu’ils aiment ce dont nous sommes le plus fiers et n’aiment pas des aspects de notre personnalité que nous trouvons secondaires, insignifiants. Mais c’est là imaginer qu’ils nous ressemblent dans l’évaluation des « qualités » et « défauts » ou simplement dans ce qui leur convient. Comme l’occasion de préciser ces points ne se trouve pas souvent, l’illusion, l’erreur se perpétuent. Une équivoque de plus…

 

 

14/4/22

            On a prétendu que la guerre donnait l’occasion à l’héroïsme de se manifester, en taisant au passage tout ce qu’elle offre comme occasions à la cruauté, au sadisme, aux pulsions destructrices d’impunément se satisfaire. Mais l’héroïsme n’a pas besoin de la guerre pour se révéler. On peut le découvrir dans le quotidien de tel métier, dans des actes courageux de sauvetage qui ne seront jamais, sans doute, médaillés…

 

16/4/22

            Ici le paradis, ou quelque chose qui y ressemble un peu, là-bas l’enfer, ou quelque chose qui y ressemble beaucoup… Ta conscience se réduit-elle à ta seule situation individuelle, ou embrasse-t-elle aussi tout le malheur du monde ? Auquel cas, par compassion tu ne pourras jamais être pleinement heureux.

            Mais, répondras-tu justement, si ma conscience englobait tous les sentiments et les vécus de l’humanité, alors ce qui prévaudrait serait l’état d’esprit habitué de celle ou celui qui simplement vaque à sa tâche, ou se ronge de ses petits soucis ou bien se contente de ses plaisirs moyens. L’enfer, le paradis… Voilà ce que l’imagerie médiatique met en relief. Mais la réalité la plus répandue sur notre planète reste celle de la fourmilière.

 

 

18/4/22

            Il a été drôle, frondeur, irrespectueux dans sa jeunesse. Anarchisant et même révolutionnaire… Mais le voici à l’âge mûr rassis et même ranci, bedonnant, réactionnaire. On connaît. C’est très banal et un peu triste.

            Imaginons l’inverse : un vieux qui deviendrait railleur et contestataire après avoir été un adolescent conservateur. On tirerait, n’est-ce pas, de cette situation rare beaucoup de joie. Alors de cette joie, ne pourrait-on pas déduire une ligne de conduite ?

 

 

20/4/22

            Le fameux « travail du deuil »… Beaucoup s’égarent en croyant que, peu à peu, avec le temps, la perte va être réparée, la béance comblée. Mais comme cela ne se produit guère, ils croient que le travail du deuil ne s’effectue pas, et du coup s’en désolent.

            En réalité, le travail du deuil consiste à s’habituer à ce trou, accepter que son identité intègre ce trou, à lui trouver même une sorte de beauté… Pour prendre une comparaison drôle et fromagère, il consiste à vivre avec une autre représentation pour soi que celle du Comté. C’est fini, désormais on est un Emmental !

 

 

22/4/22

            La notion, inventée par Stendhal, de « cristallisation », renvoie au phénomène d’idéalisation accompagnant l’amour à ses débuts. Stendhal choisit la métaphore d’un banal rameau d’arbre jeté dans les mines de sel de Salzbourg et qui, extrait trois mois après, comme un sceptre se voit couvert de cristallisations étincelantes… L’amour pare de qualités, parfois imaginaires, l’objet aimé. Freud rajoute que l’on projette sur l’objet aimé ses idéaux, voire qu’il prend la place de l’idéal du moi.

            Cette auto-mystification, qui peut devenir aliénante, n’est pas éternelle. Et, de même que le supposé sceptre va peu à peu redevenir le banal rameau d’arbre qu’il était au départ, l’objet aimé va au fil du quotidien redevenir l’être commun, mixte de qualités et défauts, qu’il était avant l’idéalisation. S’il s’avère de surcroît que cette personne, au fond et en réalité, ne nous convient pas, que cette non-convenance était juste dissimulée par l’idéalisation, une sorte de divorce est consommée, même s’il n’entraîne pas forcément la séparation.

            Celles et ceux qui furent abandonnés par un être passionnément aimé devraient songer à cette désidéalisation progressive, qui se produit si souvent, et se consoler de n’avoir gardé que le souvenir du sceptre étincelant, et non celui du rameau d’arbre commun.

 

 

24/4/22

            Le génie, une inspiration et un travail permanents. Et le travail doit concrétiser l’inspiration, être à sa hauteur. Ce qui peut être épuisant.

 

 

26/4/22

            Est-il vrai que les êtres heureux ont moins besoin de plaisirs ? Que les plaisirs sont souvent compensateurs ? Que la sagesse nous permet de nous en passer ? Le philosophe Helvétius disait qu’un sage jouit des plaisirs et s’en passe comme on fait des fruits en hiver. Ce qui montre aussi qu’il ne les refuse pas quand ils se présentent.

            Mais le véritable problème consiste à savoir bien les ressentir, les goûter, à être présent (ici commence, en fait, étymologiquement l’esthétique). Ce qui ne va pas de soi, et rend compte de l’avidité hédoniste commune, anesthésiée.

 

 

28/4/22

            Il est vrai qu’à la racine de l’art, on trouve souvent une désignation. Regarde, écoute, considère ceci… C’est intéressant, et même beau. Je vais te le montrer.

            La radicalité de Marcel Duchamp fut justement de revenir à cette racine. Et sa nouveauté consista à ne pas aller plus loin. C’est le principe du « ready-made ».

 

 

30/4/22

            Il a récupéré tout ce qu’il avait égaré chez elle, chez lui, chez d’autres, tout ce qu’il leur avait laissé en gage et inaccompli. Il a intériorisé l’amour originel, le plus fort : il peut s’aimer dorénavant comme sa mère l’a aimé. Voilà, maintenant il peut vivre seul.

           

           

           

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