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Avril 2018

1/4/18

Si l'on percevait toutes choses comme encadrées par l'infini du néant, alors tout prendrait un éclat insoutenable.

Mais c'est exactement l'inverse qui se passe : nous appréhendons les choses comme perdues dans la monotonie d'une trompeuse immortalité.

 

3/4/18

Sirène de la voiture de police... Son vacarme décroît, puis disparaît complètement. Puis c'est un chuintement qui s'approche, devient un souffle puissant et disparaît d'un coup. Une grosse cylindrée.

Soudain de minuscules tapotements à la fenêtre, irréguliers, incertains, mais qui s'encouragent l'un l'autre. C'est la pluie.

L'emphatique sirène policière a fondu au lointain, et la pluie a imposé sa présence discrète. La journée peut commencer.

 

5/4/18

Sur l'immense dalle couvrant la place, un peu à l'écart des passants pressés, un couple de canards.

Lui, bien raide dans son vêtement de soirée luisant, d'un vert sombre et mordoré, la suivant, elle, dans sa tenue plus discrète mais d'un joli brun. Il la suit à la même respectueuse distance, ne s'éloignant qu'un peu, si un humain se rapproche.

Seuls dans la foule humaine, unis par des liens invisibles, égarés sans aucun doute, mais tellement confiants en leur couple.

 

7/4/18

C'est l'heure du déjeuner au restaurant. Un peu plus d'une heure de détente et restauration... Se détendre après avoir été tendu devant un ordinateur blême et exigeant, et le besoin de se restaurer, à tous les sens du terme, consécutif à cette fatigue nerveuse. Et surtout parler : une libération orale après ce silence de matinale contention.

Aux collègues on a toujours quelque chose à raconter. C'est peut-être insignifiant, mais on va le dire avec l'emphase de la parole libérée, ou simplement joyeuse de résonner. On va signifier aux collègues, aux voisins de table, et peut-être à soi-même qu'on vit quelque chose d'extraordinaire, oui, en dépit d'un boulot sans relief, d'un quotidien sans surprise. On va hausser le ton. Quand elles se déclament, les banalités ne sont-elles pas un peu du théâtre ?

Mais à la table d'à côté, on parle de la même façon : "Alors je lui ai dit...". Et puis le vin chauffe les esprits qui rougeoient les phrases. Le ton monte sur de fausses indignations, des colères surjouées. Tandis que plus loin, dans la table du fond, c'est le jeu des grosses blagues provoquant des rires exagérées.

Les serveurs courent dans le vacarme, qu'ils portent seulement dans leur tête, eux. Les conversations se brouillent complètement, et le son ne fait que monter jusqu'au moment du dessert.

Comme il témoigne bien des joies simples de l'oralité, le brouhaha des restaurants !

 

9/4/18

La conjoncture actuelle, si on lève le nez et scrute le ciel, c'est finalement ce gros morceau d'ouate salie dans son milieu et bien blanche dans ses bords, posé sur un plastique bleu. Qu'est-ce que cela veut dire quant à la suite des événements ?

On préfèrera scruter les nuages qu'interroger les astres. Ah, tout ce qu'ils nous disent de nos humeurs, les nuages, de nos attentes, de nos illusions perdues !

 

11/4/18

Le monde des vivants et la mort.

Non, il n'y a que le monde des vivants. Rien d'autre...

Le monde des morts nous ne le connaîtrons jamais, car connaître c'est déjà vivre.

La bonne nouvelle : nous ne vivrons jamais notre mort. Le gros dommage : si la vie va de soi, elle se banalise, alors qu'elle est miraculeuse. Quelques artistes (par exemple Beckett dans Oh les beaux jours) ou mystiques (zen, mais pas seulement) ressentent la vie comme s'ils allaient mourir de façon imminente, ou alors comme s'ils émergeaient juste du néant.

 

13/4/18

Nostalgie : étymologiquement "souffrance du retour".

La mémoire est parfois si éloquente, expressive, que le passé fait retour intensément.
Mais ce ne sont que des images, des leurres, car le passé a définitivement disparu. La souffrance naît de cet écart entre l'intensité impressionnante du souvenir et sa totale inconsistance.

 

15/4/18

La Ville sur l'eau lui a abandonné tous les rez-de-chaussée, ou presque, de ses maisons... Comme la pierre visqueuse, la mousse rebelle, les pilotis malades et cette odeur de décomposition dans certains canaux, c'est le tribut à payer.

 

17/4/18

Des rues, des avenues aquatiques... Même circulation, mêmes embouteillages parfois, mêmes embarras que ça le serait ailleurs, sur une terre ferme. Ni l'élément liquide, ni la splendeur décrépite, ni l'enfoncement dans la lagune, ni les cloches pathétiques ne font oublier à la Sérénissime la ville commerçante et festive qu'elle a toujours été.

 

19/4/18

Sans voitures une ville rend toutes les rues et les places aux habitants. Elle leur offre, dans la transparence de l'atmosphère, le droit fondamental à la promenade...

 

21/4/18

Première journée de chaleur comme une coulée de chocolat brûlante sur le gâteau mou de l'esprit alangui.

 

23/4/18

Comment le promeneur ressent-il le printemps ? La hauteur du soleil ? Une certaine qualité de l'air ? L'extension du jour ? Une manière qu'ont les bruits de lui parvenir ? Ou d'irrépressibles éternuements ?

 

25/4/18

Lorsqu'un profond silence s'impose dans l'appartement, alors on dirait que ce sont les pensées qui bruissent, charriant comme des éclats de voix assourdis, des sortes de caquètements dérisoires vite interrompus, des scènes vivement rejouées que croise la tonalité neutre d'un agenda parlant. Ce bavardage incessant récuse le silence, il est le théâtre permanent et confus de nos soucis, de nos espérances et de nos conflits.

Parfois, heureusement, c'est dans l'esprit et non seulement à l'extérieur que s'impose le silence.

 

27/4/18

L'expérience du goût menacée par la faim.

Combien de temps l'on déguste véritablement un plat avant d'en assimiler le goût, puis l'avaler en pensant à autre chose ? Mais sommes-nous assez gastronomes pour consentir à bien goûter chaque bouchée, y apprécier des nuances de saveur ? Il faudrait donc manger sans avoir une faim préalable, et encore moins cette compulsion à avaler qui n'est qu'une forme de réparation, de restauration. Mais est-ce possible de manger comme l'œnologue boit, muni de son taste-vin ?

Notre rapport goulu à la nourriture comme image de l'inquiétude de nos désirs, résolus en une vive mais brève satisfaction une fois réalisés.

 

29/4/18

Ne savez-vous pas qu'une petite sensation désagréable mais continue peut gâcher toute une journée ? Un minuscule caillou dans la chaussure, une vague douleur abdominale, un prurit discret mais rebelle, etc.

Il se fait tout simplement qu'au nom de la sacro-sainte prééminence de l'action et de la pensée, notre psychisme refoule cette sensation considérée comme mineure et insignifiante. Ce qu'elle est d'ailleurs... Cependant celle-ci ne disparaît pas pour autant, mais va quitter le champ de la pleine conscience pour influencer subrepticement, insidieusement notre humeur, nos sentiments même, voire rendre nos actions plus saccadées et donc plus maladroites.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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