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Décembre 2022

1/12/22

            Trahis ou dissimulés par leur apparence :

- Vous me voyez comme une jeune fille charmante à l’air angélique : en fait, je suis cruelle.

- Ce vieillard tout flétri devant vous cache et emprisonne une âme d’adolescent.

- J’ai l’air effacée, soumise ? C’est juste l’enveloppe d’une tenace volonté de puissance.

- Mon apparence lourde, épaisse, rustique… Pourtant, je suis un poète (René Char ?).

- Arriverez-vous à croire que mon physique de femme peu avenante cache tant de douceur ?

- On m’a souvent trouvé l’air idiot et ahuri, mais je suis un Normalien au Q.I. très élevé.

- « Ainsi qu’il est fréquent, sous la blancheur de ses pétales,

la marguerite cachait une tarentule, un crotale » (Brassens)

Et cependant les autres n’arrêtent pas de se gaver de notre apparence en nous chosifiant par leur regard !

 

2/12/22

            Il m’a avoué qu’il n’avait jamais été aussi médiocre que lorsqu’il a eu une vie de bureau et des collègues, qu’il a régulièrement déjeuné et pris des verres avec eux.

            Ce n’était la faute à personne, mais la cause résidait dans cette sociabilité facile, agréable, consensuelle, où l’on bavardait d’un thème à l’autre sans s’y attarder, où jamais l’on ne s’éloignait un tant soit peu du sens commun, où chacun faisait de son mieux pour présenter une image rassurante, une forme bien adaptable pour affermir la cohérence du groupe.

            Peut-être que la médiocrité consiste aussi en une suradaptation aux normes et aux rituels sociaux dans un monde « provincialisé »… N’est-ce pas ce qui se dégage par exemple du pharmacien Homais, dans Madame Bovary, présenté par Flaubert comme le personnage médiocre absolu parmi les autres médiocres ? 

 

3/12/22

            Une tragédie brutale de sa fragilité se jouait en elle épisodiquement…

            Associée à quelques vagues sensations corporelles qu’elle interprétait de la pire façon, une angoisse de mort imminente la terrassait. Ce serait la crise cardiaque imparable ou un cancer foudroyant. Et son imagination mettait en scène l’horreur de la maladie puis de l’agonie… Son corps abritait les forces de son anéantissement. Il était devenu son ennemi.

            Quand on lui disait que peut-être des envies suicidaires s’exprimaient ainsi, ou alors que par ce biais son hypocondrie se rappelait furieusement à son souvenir, elle n’écoutait pas plus que si on lui eût parlé en une autre langue. Une simple sensation corporelle lui avait ouvert les gigantesques battants qui donnent sur la nuit éternelle… Hallucination, effroi.

 

4/12/22

            Par ce que lui racontaient les autres, le romancier, en construisant ses personnages, imaginait leur vécu. Bien entendu, sa première tendance consistait à nourrir leur vécu supposé de son propre vécu. Mais il ne s’en contentait pas et faisait l’effort de s’en extraire et de concevoir une altérité. Quand c’était trop difficile, il revenait à ce qu’on pourrait appeler l’« humain général », une espèce de socle commun dont il diminuait ou épaississait telle ou telle partie… Peu à peu, les personnages émergeaient, avec leurs sentiments, leurs états d’âme. Et certains étaient si réussis qu’ils accédaient même à une vie propre. Ils lui échappaient.

 

5/12/22

            « Amour de soi nous déçoit », écrit Rabelais.

            Et pourtant, il convient de bien s’aimer. Personne en vérité ne le fera à notre place. S’aimer comme on aime un enfant et un adolescent que l’on veut bien éduquer. Sans doute, comme Rabelais le dit, sera-t-on souvent déçu. Mais il ne faut pas se décourager. 

 

6/12/22

            Dans les sociétés modernes, les références culturelles, les modes de vie changent très vite. Un quart de siècle seulement les sépare, et pourtant un père aujourd’hui peut-il comprendre pleinement son fils ? Comme dit un proverbe arabe, « On est plus le fils de son temps que de son père ». Quant au grand-père et au petit-fils qu’un demi-siècle vient séparer, seule la tendresse et la tolérance peuvent colmater les brèches énormes de l’incompréhension.

 

7/12/22

            Il est difficile pour toi de comprendre que tu as un besoin de créer.

            Ce n’est pas un besoin fréquent, habituel, comme le besoin de reconnaissance, de sécurité ou d’amour. C’est un étrange besoin qui ressemble à une démangeaison. Tu essayes de t’en divertir, ou alors de le canaliser dans des œuvres. Mais non, le besoin de créer, on ne s’en divertit pas sans dommages. Et il déborde des œuvres et de leur circuit.
            Ce besoin de créer, on le trouve le plus dans ce qu’on appelle l’Art brut.

 

8/12/22

            Une guerre, ce n’est pas un camp qui perd, un autre qui gagne. C’est toute l’humanité qui a perdu.

 

9/12/22

            Si les ennemis d’hier se réconcilient complètement, alors vraiment tous ces morts, c’était absurde ! S’ils sont toujours en conflit alors que le monde a changé, quelle bêtise !

10/12/22

            Horreur de plus dans la guerre : tout ce qu’elle laisse affleurer de barbarie, de cruauté, de sadisme dans l’humain et que l’on se serait bien passé de nauséeusement découvrir…

 

11/12/22

            Cette phrase : « Une guerre laisse le pays avec trois armées : une armée d’infirmes, une armée de pleureuses, et une armée de voleurs ».

Auteur inconnu.

 

12/12/22

            La « vérité », n’étant ni simple ni définitive, ayant surtout le tort immense de ne donner raison à aucun désir exclusif, de doucher les enthousiasmes, a cette particularité au final d’ennuyer les gens. Voilà pourquoi, dans les conversations, elle est rarement convoquée, recherchée, ou alors pas longtemps… Par comparaison, les distorsions, les erreurs de l’opinion et ses emphases (“Les convictions sont des ennemies de la vérité plus dangereuses que les mensonges”, écrit Nietzsche) revêtent tous les charmes. Les ami(e)s de la vérité en tirent toutes les conséquences, fuyant le contact, le relativisant, ou gardant le silence.

 

13/12/22

            L’idée que la vie est une illusion ou un songe provient sans doute de ce que l’instant présent, même intensément vécu et senti, ne devient bientôt plus qu’une pâle copie, une image incertaine et floue dans la mémoire. Ce passage permanent de la réalité perceptive à l’irréalité des représentations, cette transmutation magique, alchimique de notre vie en suite d’images perdant toute cohérence suggèrent finalement que l’instant présent lui-même n’est qu’un leurre, et que l’ensemble de notre vie est un rêve.

 

14/12/22

            Dans Éros et civilisation, Herbert Marcuse prend au sérieux et en compte la pulsion de mort freudienne. Il a compris qu’elle reste intriquée à  l’Éros, à la conquérante pulsion de vie dans le capitalisme, la rendant au final dangereuse, dévastatrice.

            Aussi propose-t-il un autre modèle de civilisation où cette fois la pulsion de mort se réaliserait dans le sommeil et les rêves, le narcissisme poétique, la régression admise et périodique par l’annihilation temporaire de l’ego, de la pensée.

 

16/12/22

            Appréciation de Gaïa : l’Homme est une espèce invasive et dangereuse qui va d’elle-même se supprimer par ses excès… Mais nous pouvons aider pour que ce soit plus rapide.

 

18/12/22

            « Nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature » : c’est ce à quoi nous parviendrions, selon Descartes, grâce à la connaissance et à la science. Il écrit ces mots en 1637 et, un peu moins de quatre siècles plus tard, cette conviction de toute-puissance est encore largement partagée.

Mais, si les ambitions du système dans lequel se sont enfermés les humains sont infinies, la planète, ses ressources, ses capacités de renouvellement restent à jamais finies. Quoi qu’il nous en coûte, nous devons enfin nous réveiller du grand rêve du rationalisme conquérant. La science a fait de nous des dieux, mais aux pieds d’argile.

La gluante argile de la planète terre…

 

20/12/22

Revoyez, mes amis, tout ce qu’ordinairement vous placez dans le grand mot de Progrès.

Oubliez juste un instant les prodiges de la technique. Et imaginez tout ce que peut représenter une diminution des guerres, de la violence, de l’égoïsme, de la stupidité.

Imaginez un monde plus humain, régi par la sagesse et la bienveillance… C’est une autre utopie. Demandez-vous simplement si vous ne préfèreriez pas ce progrès-là à l’autre, celui pour lequel on vous conditionne perpétuellement.

 

22/12/22

            Les Xenos tombèrent, au cours de leur immense périple dans l’espace cosmique, sur une capsule bourrée de documents dans une langue inconnue et inscrits sur différents types de supports. Ils finirent par comprendre que cette capsule et ces documents émanaient d’une espèce vivante et intelligente, localisée sur une planète morte désormais, et qui avait totalement disparu après environ une dizaine de millénaires pleins de bruits et de fureur.

 

24/12/22

            À quel mépris nous vouons des cultures archaïques bien loin des éclats de notre technoscience mais qui, elles, ont su entretenir avec leur environnement un rapport qui ne soit pas que de déprédation, de dévastation ! Il a fallu de toutes manières que nous fassions disparaître ces cultures. Il n’y aura pas de témoins atterrés de notre ruine éventuelle.

 

26/12/22

            Cette histoire si longue et minable des riches et puissants qui ont besoin des pauvres opprimés pour vraiment jouir, par différence, de leur privilège, et des misérables qui n’aspirent, eux, qu’à la puissance et à la richesse… s’arrêtera-t-elle un jour ?

            L’égalité économique ne met pas fin aux différences. Au contraire, elle met en valeur les différences les plus significatives, les plus profondes.

 

28/12/22

            Peut-être que ce qu’on appelle « modernité » n’aura été qu’une parenthèse de l’Histoire qui n’aura tenu que le temps où la mince couche de vie sur notre planète dans laquelle nous existons aura définitivement montré les limites de ses ressources.

 

30/12/22

            Si tu ne sais pas ce que tu veux, observe dans tes actions ce qui amorce quelque cohérence, interroge cette cohérence et tu sauras ce que tu veux. Tu fais ce que tu veux.

           

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