Février 2023

1/2/23

            Trois anticipations majeures de notre temps : « Le Procès » de Kafka, « 1984 » d’Orwell, « Le Meilleur des mondes » d’Huxley.

 

2/2/23

            « Mieux que toutes les pilules roses, l’essentiel du bonheur consiste à être bien avec soi ! », me dit-il. « Mais pour être bien avec soi, encore faut-il connaître toutes les chambres de l’immense demeure que nous sommes et tout ce qu’elles sont susceptibles de contenir… »

 

3/2/23

            « Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé », avouait Montesquieu. En fait, à la différence d’autres mediums, le livre exige l’attention soutenue du décodage. Et l’attention soutenue et sans obligation suffit à mettre à distance, voire calmer la tristesse. Si l’on y ajoute une histoire, une intrigue, l’effet consolateur est plus puissant.

 

5/2/23

            Si nous pouvions échapper aux sophismes et aux injonctions matraquées de la pub, au conformisme par rapport à notre entourage, enfin à ce que l’on croit être « normal », nous trouverions les chemins de notre vraie joie et même de notre bonheur.

            Nous devrions commencer par remarquer : dans mon milieu, mon entourage on considère qu’il est bien et bon de se réjouir ainsi. Puis de nous interroger sincèrement sur notre satisfaction concernant ces pratiques-là. Enfin d’être particulièrement attentif à ces moments heureux que nous avons traversés, puis vite refoulés parce qu’ils ne correspondaient pas à ce qui se fait habituellement. Un véritable réapprentissage de soi et de ce qui nous plaît.

 

7/2/23

            Méthode simple de variation pour obtenir un art pur : cette pièce ne pourrait ni être lue, ni devenir un film ou une opérette, etc. Elle ne peut qu’être jouée sur une scène… Ce film ne peut pas être transposé au théâtre, changé en nouvelle ou roman, il est tout entier dans ses images et ses mouvements, leur montage. Ce roman a beaucoup perdu à être adapté au cinéma ou pour le théâtre… Or il faut bien constater qu’aujourd’hui de l’art pur, on n’a rien à faire, le plus utile et rémunérateur étant de produire une infinité de spectacles. Ce qui aide à l’affaire est de retenir simplement l’idée, l’histoire, le scénario. Le véhicule artistique reste secondaire.

 

8/2/23

            L’art devenu un bien de consommation comme un autre, « une chose parmi les choses » s’intégrant à l’« industrie culturelle », comme le disait Adorno.

            Revenir sur une œuvre, dialoguer avec elle, la travailler ou, mieux, qu’une œuvre nous travaille, voilà qui le plus souvent concerne les spécialistes, alors que cela devrait constituer en bonne partie notre rapport à l’art. La surproduction de l’industrie culturelle favorise la consommation et le divertissement, c’est-à-dire l’oubli rapide.

 

9/2/23

            Il imaginait un monde bien moins envahi par le commerce et la communication, par l’obligation d’échanger sans cesse, biens et signes. Ce serait la consommation minimum et la parole rare… Et les Grecs en exemple : la frugalité d’un Épicure, puis cette phrase d’Euripide : « Parle si tu as des mots plus forts que le silence, ou garde le silence ».

 

11/2/23

            Flux incoercible du mental (« the stream of consciousness » William James), flot quotidien des informations, écoulement irrépressible du temps, fuite éperdue de notre vie…

            Le TORRENT du monde.

            Nous ne pouvons pas l’arrêter ! Tout au plus le contempler dans la méditation. Elle nous offre ainsi une distance, mais toute relative. Confucius : « il n’y a qu’une seule chose qui ne change pas, c’est que tout change ». Et l’homme qui essaye de sauver, retenir quelque chose... Désir d’éternité, à l’origine de toutes les passions selon le philosophe Alquié.

 

12/2/23

            L’historicité générale… « Histoire » de l’univers, son origine et son évolution à partir du Big Bang, histoire de la Terre qui se serait formée il y a 4,567 milliards d’années, histoire de la vie (sur notre planète) qui remonterait à 3,8 milliards d’années, histoire des hommes dont les premières lignées dateraient de 7 millions d’années, histoire des civilisations avec la Mésopotamie qui, elle, date de 5000 ans avant notre ère.

            La question qui ne manque pas de survenir : cette histoire générale a-t-elle un sens, dans la double acception du mot « sens » ?  Autre question qui approfondit la  précédente : comment se fait-il que l’humain par son cerveau puisse comprendre une histoire globale qui le dépasse et l’emporte ?

            Einstein : « Ce qui est incompréhensible, c’est que le monde soit compréhensible ».

 

13/2/23

            Une vie humaine : étincelle surgie entre deux néants.

            Grosse panique : que faire dans cette étincelle ?

            Cette panique n’est-elle pas à l’origine secrète des « folies » humaines ?

 

14/2/23

Culture de Hassuna, il y a sept-mille ans.

Sept mille ans...

Tu te projettes dans cette toute-première culture liée à la Mésopotamie. Presque complètement disparue. Quel âge notre civilisation déjà ?...

Et a-t-elle la moindre chance de perdurer là où toutes les autres ont échoué ? Ce qui fait notre puissance (la technoscience) reste en même temps notre principale faiblesse, par la démesure qu'elle génère. Il y a un décalage entre l'"homo sapiens" et la part encore archaïque de son cerveau, et ce à quoi par notre rationalité nous sommes parvenus. Jean Rostand : "La science a fait de nous des dieux avant que nous méritions d'être des hommes".

 

15/2/23

            Il conciliait une conception linéaire et cyclique du temps de la manière suivante : éternel retour (cycle) de la construction/destruction, de l'agrégation/désagrégation plus précisément, qui forme la bande (linéarité) du temps.

16/2/23

            Vous avez le sentiment que notre époque est devenue folle, que le « génie de la guerre » s’est emparé d’elle, que les principes de base du raisonnable un à un sautent

            Peut-être à l’origine s’est-il produit un acte transgressif d’une extrême gravité. Le monde a alors basculé. Et vous évoquez à cette occasion le roman Le Rivage des Syrtes de Julien Gracq. La guerre y est vécue comme une libération après un acte de transgression venant rompre une violence figée.

 

17/2/23

            Sur l’écart entre paroles et actes : les paroles coûtent moins que les actes.

            Prises dans la communication, elles témoignent d’une partie de nous-mêmes, souvent de nos souhaits, espérances, et surtout de ce que nous désirons paraître. Mais nos actes (en dehors du métier, des habitudes et des gestes insignifiants bien sûr) signifient ce que nous sommes. Alors ne vous attardez pas à son bavardage si vous voulez connaître l’autre, mais scrutez ses actes. Ainsi, vous irez à l’essentiel.

 

18/2/23

            Véritable obsession à « faire sortir quelque chose de soi » chez le créateur, ou simplement le créatif.

            Ils feraient souvent mieux de s’abstenir grommellent certains critiques, parfois secrètement jaloux… Mais donner la vie à quelque chose est une impulsion puissante. Et si une entrave quelconque bloque cette extériorisation, il peut y avoir une souffrance qu’on ne soupçonne pas.

 

19/2/23

            Plaisir de la démolition chez certains critiques. C’est dans les fêtes foraines le jeu des grosses têtes que l’on doit abattre avec des boules de chiffon… Mais certains critiques mettent une force et une précision remarquables dans ce jeu de démolition. Il est rare que ce soit au nom d’une cause esthétique, ils doivent en éprouver une grande satisfaction enfantine.

            C’est aussi part de sa prose chez Thomas Bernhard : démolir les « grosses têtes » de la culture. Il y met rage et jubilation. Suffisamment pour que cela soit contagieux.

 

20/2/23

            Double cécité dans la passion. D’une part quant à son objet, survalorisé, halluciné. D’autre part, quant à tout ce qui l’entoure, oublié, méprisé.

 

21/2/23

            Devenir sa propre mère, consolante, protectrice, indulgente.

            Mais déjà la fameuse bienveillance bouddhiste ne doit-elle pas s'exercer d'abord sur nous-mêmes ? Le pauvre moi se démène sans cesse, avec le réel et ses contraintes, les désirs et leur contradiction, les idéaux et leur astreinte. Il a tant besoin d’être soutenu par cette bienveillance.

 

23/2/23

            Les comptes sans fin… Débit et crédit. Ce n’est pas possible ou tolérable que la mort efface toute cette comptabilité : aussi la religion a-t-elle inventé le purgatoire. Il s’agit encore de payer là !

            En fait ce sont les humains qui vont « régler leurs comptes » avec les morts, les condamner éventuellement par contumace, pour perpétuer cette comptabilité.

            Voilà qu’avec de nouvelles idéologies, on réévalue certaines figures célèbres, après avoir déboulonné leurs statues. Ah, on leur a accordé trop de crédit ! Mais il y a du débit.

            Les comptes sans fin… Mais la mort ne compte pas.

           

24/2/23

            Fin d’une relation… Il m’a dit : « D’abord j’ai pris l’air, ensuite j’ai pris de l’air. Et enfin je me suis envolé ! »

            Heureusement l’espace est là pour éviter le conflit, et pire, la destruction. Prendre des distances, s’éloigner… Et quand ça ne suffit pas, rompre le lien.

           

25/2/23

            Elle m’a raconté que sa famille macérait dans une culture du malheur. Cette expression m’a paru intéressante… Concrètement, son père était un pessimiste, toujours inquiet pour ses petites affaires, et sa mère une grande anxieuse qui n’avait d’imagination que pour les pires choses pouvant arriver aux uns et aux autres. Son frère remâchait une mauvaise humeur permanente. Mais le plus important était cette croyance que si l’on était heureux, les foudres d’un dieu vengeur allaient se déchaîner, parce qu’on était sur terre pour endurer. Les plaisirs devaient être pris à la sauvette et en cachette.

            Je lui ai parlé du dolorisme dans la religion chrétienne : l’insistance sur l’expiation et la pratique de certaines mortifications. Cette culture du malheur et de la pénitence est véhiculée par le christianisme. Mais ce qui me paraissait intéressant était… le « bonheur » caché là-dedans, plus exactement les bénéfices secondaires de ce marché superstitieux conclu avec la culpabilité. Si tu n’es pas heureux, tu seras épargné par les coups du sort.

            Même si l’observation neutre ne révèle aucun lien entre le bonheur et la malchance, la culture du malheur a pour elle les résidus païens de la magie (le sort maléfique, le mauvais œil, les forces occultes) mêlés à la puissante culture doloriste du christianisme.

            Vouloir sortir de la culture du malheur par une supposée « culture du bonheur », comme la société de consommation a voulu la promouvoir après deux grandes guerres, effroyables est erroné et inefficace. Il ne s’agit pas plus de cultiver le bonheur (hédonisme) que le malheur (dolorisme), mais juste ce qu’on aime, ce qu’on est.

 

26/2/23

            Les dictateurs ne croient qu’à la force. C’est une erreur et… une faiblesse. Mais en attendant elles coûtent très cher à d’innombrables innocents.

 

27/2/23

            Les artistes idéalisant la réalité, l’embellissant, l’enrichissant de mille manières, puis s’enfermant dans ce monde qu’ils ont sublimé et, pour une bonne part, inventé. On leur en veut, ils n’auraient pas le droit… Mais Karl Kraus a écrit : « L’imagination a le droit de se griser à l’ombre de l’arbre dont elle fait une forêt ».

 

28/2/23

            Le « mauvais objet » n’est-il pas plus fécond qu’on le croit ? On n’arrête pas, comme un chien sur un os, de se faire les dents dessus. On y revient sans cesse, pour trouver des raisons à sa haine. C’est un plat qui se mange, surtout qui se remâche, froid. Et rageusement on n’arrête pas de le réchauffer. Le « mauvais objet » est le « bon objet » de certains.

             

           

           

           

             

           

           

           

 

 

             

           

           

           

           

           

           

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