1/2/24
Notes sur l'amour. Premiers repérages.
1) Ceux qui ne s'aiment pas et n'aiment personne. Peuvent être sous l'emprise d'un juge intérieur qui les persécute. Paranoïa. Haine, agressivité. Personnage du "méchant".
2) Ceux qui sont indifférents aux autres et à eux-mêmes. Schizoïdie. Personnage de Meursault dans L'Étranger. Film "Un cœur en hiver"... Ils peuvent aimer les animaux et/ou les objets.
3) Ceux qui apparemment n'aiment pas. Mais
a) soit c'est eux qu'ils aiment d'un amour exclusif. Égoïsme, narcissisme.
b) soit leur amour est dispersé dans une multitude d'objets et ne dure pas. Il faut chercher malgré tout des récurrences cachées.
4) Ceux qui aiment : une personne, une activité, une classe d'objets. Don de soi, notion d'oblativité. Peuvent se dépenser sans compter. La notion de "lien" n'est pas obligatoire. Amour charitable, dévouement sans lien particulier.
2/2/24
Sur l'amour mise en garde préliminaire de Lacan : "L'amour c'est donner ce qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas". Tu m'offres ton manque, non merci je n'en veux pas !
On revient à l'idée de don, qui remplit différemment celui qui donne et celui qui reçoit. Mais l'échange doit accompagner ces dons et contre-dons.
3/2/24
L'amour romantique comme un absolu, la grande histoire d'une vie, est-il une invention de l'Occident judéo-chrétien ? Denis de Rougemont situe la naissance de cette mythologie au XIIème siècle (motif de l'amour courtois chanté par les troubadours provençaux) et montre comment elle baigne notre culture, renforçant l'individualisme qui semble en être la condition nécessaire. Existe-t-il une passion amoureuse chez les Dogons ou les Iroquois par exemple ? La conception de l'amour dans la Chine traditionnelle n'a rien à voir avec la nôtre... Cependant il semble y avoir dans toutes les cultures de fortes attractions interpersonnelles. Mais elles ne sont pas survalorisées comme en Occident.
Substrat socioculturel et économique de l'amour romantique à toujours considérer.
4/2/24
"L'amour ne veut pas posséder, il veut juste aimer", écrit Hermann Hesse. Cette phrase comme indicateur de l'amour, le plus souvent mixte d'oblativité et de possessivité. Exemple classique : elle veut le posséder pour pouvoir tout lui donner...
5/2/24
Distinction entre "prendre son pied" et "perdre pied"... Si le choix n'était soumis qu'à l'ego conscient, on voit très bien vers quoi il pencherait. Mais il existe des forces inconscientes en soi qui nous font perdre tout contrôle, et alors nous perdons pied, exposés ainsi aux souffrances et à la jouissance.
6/2/24
Difficile de penser l'amour : l'amour est une dé-pense !
7/2/24
Il s'écrie : "Le bonheur, il est dans les rêves en fait... Entourés du sommeil profond, de l'inconscience. Et voilà pourquoi nous aimons tant dormir ! Le sommeil est l'image véridique de notre vie. Quelques rares moments de bonheur presque irréels et l'inconscience des habitudes, du quotidien la plupart du temps". Mais alors je lui réponds que l'Éveil est une alternative. L'Éveil poétique, bouddhiste ou philosophique...
8/2/24
La société aliénée, entre le réel économique privé de signification et la signification artistique sans prise sur la réalité (cf. Mario Perniola).
Tenter d'inscrire l'art dans le réel du quotidien comme le fit le Bauhaus, comme le font certains architectes. Mais dans un contexte de violence et d'injustice, ces réussites échouent en partie.
9/2/24
Bon choix... Mauvais choix... Qui va te répondre ? Tu es libre et seul.
Les gurus, la religion, les idéologues ont bien sûr des réponses. Mais c'est toi et seulement toi qui auras décidé de t'en remettre à eux...
10/2/24
Si tu parviens à davantage t'imposer, accepteras-tu de davantage t'exposer ?
11/2/24
À supposer que le titanesque combat en nous entre Éros et pulsion de mort (Freud) soit une réalité, où se situe l'instance qui permet de le percevoir, le poser ou même le supposer ?
N'est-elle pas ce qu'élabore la méditation ?
12/2/24
Folie, hallucinations de la mémoire : nous faire croire à une réversibilité du temps. Excès de l'imagination : nous faire croire à une présence du futur.
13/2/24
Vision du monde totalement scientifique : non seulement pas d'affects sur le réel mais encore les affects deviennent eux-mêmes des éléments du réel, donc dénués d'affects.
14/2/24
Il pense que le vécu, le ressenti des gens est en bonne partie déterminé par la comparaison qu'ils font avec leur entourage sous le mode du contraste... Ainsi, ils peuvent se sentir d'un coup malheureux ou mal lotis si deux proches vivent des choses très agréables ou alors brusquement se sentir seuls parce que des amis traversent une période intense de socialisation. Il reprend le thème du sociologue David Riesman sur l'extro-détermination de l'homme moderne.
Je lui réponds que nous devons sans cesse nous récupérer vis-à-vis des autres tout en nous répétant qu'il est impossible de savoir ce qui se passe dans la tête de quelqu'un...
15/2/24
Peu importe mon ami que tes goûts varient, la perfection de cette œuvre demeurera, elle. Tes variations d'humeur et de goût rappellent la fuite du temps. Ses variations à elle, parfaitement réglées pour toujours, symbolisent l'éternité. Comme dit Keats, "a thing of beauty is a joy for ever".
Réflexion en écoutant l'art de la fugue de Jean-Sébastien Bach.
16/2/24
Pour supporter la réalité, nous l'embellissons moins que nous en floutons copieusement ou effaçons certains plans.
17/2/24
Il me dit : "Peut-être ne faut-il pas demander à la vie plus que ce qu'elle peut donner, et devons-nous accepter la banalité de ses limites".
Je lui réponds qu'il a raison à 95%, mais que je réserve à des fulgurances, des états d'exception le peu qu'il reste. En sachant bien qu'après ces rarissimes éblouissements notre finitude semblera bien plus intolérable...
18/2/24
Motivation secrète d'un certain nombre d'artistes : la banalité les renvoie au commun et au quelconque. À la mort au fond... La banalité les fait souffrir.
19/2/24
Nous nous plaignons souvent de la fuite du temps. D'un autre côté nous ne le supportons guère quand il se donne dans la vacuité, l'ennui. Nous ne pensons alors qu'à tuer le temps !
20/2/24
Le temps contrarie notre impatience aussi bien que notre besoin de saisie. Il traîne ou il fuit... On doit se plier à l'objectivité d'une montre. Mais on peut aussi apprendre d'elle une forme de sagesse.
21/2/24
"Le temps est une lime qui travaille sans bruit", dit un proverbe italien.
Un beau jour les barreaux tombent, et l'on s'échappe tout étonné de sa prison.
22/2/24
Ayant converti le temps en argent, le capitalisme ne pouvait qu'ouvrir le règne de la vitesse (cf. Virilio).
23/2/24
Comme deuxième terme d'équations variées, le temps fait oublier le néant éternel.
24/2/24
Irréversibilité du temps, qui vient s'opposer à toutes les tentatives de spatialisation. L'espace en effet se parcourt dans tous les sens... "Fugit irréparable tempus", comme l'écrivait Virgile.
25/2/24
Apollinaire dit : "Les jours s'en vont je demeure". Mais il faut plutôt dire avec Ronsard : "Le temps s'en va, le temps s'en va, ma Dame, Las ! le temps, non, mais nous nous en allons". La fuite du temps éprouvée en rapport avec notre condition biologique : vieillissement et mort. Apollinaire se vit comme éternel en tant que Le Poète.
26/2/24
Cette "jouissance infinie de l'être" dont parle Spinoza pourrait nous faire entrevoir l'éternité, oui mais c'est là une expérience de mystique ou de schizophrène.
27/2/24
Si tu veux perpétuellement vivre dans le présent, chasse l'imagination et la mémoire et ne garde que la perception. Le présent c'est le réel. Mon action possible insérée dans le réel.
Hors l'action il y a aussi l'extatique contemplation du réel par "induration" du présent dans l'ivresse.
28/2/24
Il y a un temps "objectif" et comment nous le ressentons selon nos sentiments (ennui, enthousiasme, hésitation...) et nos émotions (peur, colère, excitation).
29/2/24
Le temps nous donne, mais ce qu'il nous donne, il le reprend, et ce qu'il reprend, il ne le rendra plus...