Janvier 2022

2/1/22

            Le passé n’est plus. Pourquoi y retourner par la mémoire ? Se souvenir des bons moments apporte un peu de joie, surtout si le présent reste maussade. Cette joie témoigne aussi de la promesse que s’ils ont pu être, les bons moments peuvent de nouveau advenir.

            Mais si, comme dans la grande vieillesse, ces moments (de bonheur charnel par exemple) ne peuvent plus se manifester une fois de plus, alors le souvenir est associé à une perte irrémédiable et cruelle… Et, comme le présent reste souffreteux, le futur associé à la mort, on peut imaginer que la grande vieillesse doit trouver dans la pensée, la méditation, la contemplation, un amour des actes simples les ressources d’au moins la sérénité.

 

 

4/1/22

            Malheureusement, lorsque nous n’avons pas réfléchi un minimum à tel ou tel sujet – et c’est le cas aussi bien pour ceux, nombreux, qui se divertissent quand il ne travaillent pas que pour ceux qui, par leur fonction, se confinent à une réflexion spécialisée – ce qui vient s’installer, c’est l’opinion commune, ou le prêt-à-penser médiatique, ou encore la réaction immédiate que notre système global de valeurs génère automatiquement.

            L’expérience solitaire de la réflexion est aussi une aventure dans laquelle nous pouvons être surpris par les conclusions auxquelles nous parvenons.

 

 

6/1/22

            Devant une écrasante réalité, contre laquelle l’homme ne peut rien, il lui est presque toujours loisible, par un trait d’humour, de marquer, rappeler la prééminence de l’esprit et de sa lumière sur la force opaque des choses : « L’humour a non seulement quelque chose de libérateur, mais encore quelque chose de sublime et d’élevé », disait Freud.

 

 

8/1/22

             Ce que tu ne regardes pas en face vient derrière toi te poursuivre.

 

 

10/1/22

            "Quel aspect présenterait la vie si elle n'était pas dénuée de sens ? L'insignifiance absolue est la base sur quoi elle repose.", écrit Pär Lagerkvist. L'absurdité nous rapproche de l'insignifiance, et l'insignifiance du négligeable. Si la vie est négligeable, pourquoi ne pas se suicider ?... C’est que nous n’avons rien d’autre que cette chère vie absurde.

            Mais, si la vie n'était pas dénuée de sens, on la concevrait, on l’imaginerait comme présentant l'aspect de l'humain de bout en bout. Ce n'est pas encore le cas : sa violence est aveugle, inhumaine, et dans l'immensité du néant, elle n'est qu'une lueur évanescente.

 

 

12/1/22

            On ne peut forcer personne à ne pas croire. Les staliniens ont tenté brutalement mais sans succès d’éradiquer le sentiment religieux chez les Russes.

            La croyance est une forme de diversion. Le capitalisme a remplacé cette diversion par le divertissement. Il est parvenu ainsi, par cet autre opium, à diminuer davantage la croyance religieuse que le stalinisme par son supposé « socialisme scientifique ».

            On peut faire oublier aux gens leur croyance. Voilà pourquoi dans les pays où l’islamisme s’est imposé, le divertissement a été drastiquement réduit.

 

 

14/1/22

            La douleur de l'absurde : c'est inintelligible et je ne connaîtrai pas, sans doute jamais, la réponse. La jouissance de l'absurde : quelque chose dans le monde échappe au système serré de la raison, ouvre à l'imprévisible.

            Ambivalence de l'absurde, comme de la liberté. Ils sont tous les deux angoisse et exaltation à la fois.

 

 

16/1/22

            Pour continuer à ne pas aimer quelqu’un, nous ne devons pas savoir vraiment pourquoi nous ne l’aimons pas.

 

 

18/1/22

            Se rappeler la dimension de lutte, défi, inhérente à notre vie, et associer la tristesse à la résonnance affective de nos défaites plus ou moins avouées.

            Défaite parce que nos buts n'ont pas été atteints, nos batailles ont été perdues, nos idées et nos idéaux sont battus en brèche, défaite aussi, surtout, parce que nous n'avons même pas eu le courage de nous battre. Tristesse parce que nous ne luttons même plus, ayant peur de perdre et d'en être tristes !

 

 

20/1/22

            La vie est un produit du hasard, l'histoire humaine n'a pas de sens déterminé, les civilisations disparaissent, les significations patiemment élaborées finissent par se défaire : toutes ces considérations se trouvent finalement synthétisées dans la notion d’absurde. 

 

 

 22/1/22

            Dans l’idéalisme il y a une forme d’ivresse. C’est le réalisme qui nous dégrise.

 

 

24/1/22

            C’est une construction intellectuelle ingénieuse, cohérente avec des tas de couloirs à emprunter. Le problème, c’est qu’elle ne correspond pas avec la réalité. Et même, à y bien considérer, elle serait proche d’un délire parfaitement organisé, rappelant la phrase de Chesterton selon laquelle le fou a tout perdu sauf l’usage du raisonnement.

 

26/1/22

     Une révolution qui a besoin absolument de faire disparaître les signes, les traces du monde d'avant pose question : est-elle si peu sûre de sa désirabilité collective qu'il faille craindre un retour dans un passé en principe surpassé ?

La notion hégelienne d' "Aufhebung" (dépasser en conservant) devrait lui servir de guide.

 

 

28/1/22

            Ce qui est en fait incompréhensible, c’est que l’homme puisse comprendre le réel et, par là, agir sur lui.

Existe-t-il un lien secret entre la structure du monde et celle de la raison ?

        

     

30/1/22

            Observons-nous bien : il y a une part de « folie », au moins de déraisonnable en chacun de nous… Mais notre condition n’est-elle pas insensée ? Quoi, naître au monde, souffrir, aimer, croire et puis disparaître à jamais ! C’est absurde et intolérable. Dans chacune de nos folies, de nos passions il y a un désir d’éternité, disait le philosophe Alquié.

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