2/1/23
Apparemment les humains ne s’entendent pas, se concurrencent, se font la guerre.
Et pourtant le monde, en péril, a plus que jamais besoin d’échanges, de concertation, de solidarité. La société scientifique nous donne un bel exemple de ce que pourraient être ces échanges fructueux par-delà les frontières, les différences culturelles.
C’est que la science est une langue universelle qui se grandit de la collaboration et dont l’enjeu reste passionnant pour tous les chercheurs.
Il faudrait trouver une politique de civilisation admise par tous. Les peuples y seraient prêts, mais ce sont leurs dirigeants mégalomanes qui n’en voudraient pas.
4/1/23
Et si la liberté n’était pas une valeur universelle ou en voie de le devenir à condition de se désaliéner ? Si d’autres peuples n’en voulaient pas de cette liberté, préférant la soumission à un ordre supérieur, religieux par exemple, ou la sécurité que donne l’irresponsabilité dans une grande machine étatique ? Le projet d’émancipation élaboré par les Lumières a-t-il vocation à être universel, ou bien ne restera-t-il qu’un moment de l’histoire de l’Occident ?
5/1/23
Elle se disait « libre » parce qu’elle vivait au présent, très vite, spontanément et de façon complètement irresponsable. Il n’y a qu’ainsi, avouait-elle, qu’elle éprouvait un « sentiment de liberté ».
6/1/23
La question simple « qu’est-ce que vous voulez ? » est libératrice en ce que, pour y répondre sérieusement, on doit trouver, derrière l’inertie, les habitudes, les passions, les caprices, les injonctions extérieures, ce qui a été vraiment choisi en connaissance de cause, donc ce par quoi on est libre.
Descartes dans une lettre à Mesland : « … Je nomme généralement libre ce qui est volontaire ».
7/1/23
Il affirmait que seul le contact avec les grandes œuvres d’art (peinture, musique, littérature) nous donne l’intuition de ce que pourrait idéalement être la liberté.
Ce mixte de parfaite maîtrise d’éléments hétérogènes et pour quelque chose d’absolument gratuit jouerait comme une métaphore de la liberté.
8/1/23
Ironiquement, elle disait que se libérer consistait à passer d’une prison étroite à une prison plus large. Et que les gens qui se croyaient libres simplement ne voyaient pas encore leur prison… Mais elle ne définissait pas ce que pouvait être l’extérieur de cette prison.
9/1/23
Laisse la parole au poète, et qu’elle vienne se diffuser lentement en toi :
« Homme libre, toujours tu chériras la mer » Baudelaire
10/1/23
Liberté = conscience, choix, volonté, courage.
Mais, pour beaucoup d’humains encore, la liberté consiste d’abord et essentiellement à se libérer d’une oppression (dictature, maffia, etc.) et/ou d’une contrainte (misère).
11/1/23
Le faussaire : il trompe, fait illusion un temps et c’est un vrai talent… Habile manipulation de l’apparence des choses, économiques, intellectuelles, psychologiques, etc. de sa part. Il sait très bien, déjà, observer ce qu’il imite, et repérer ce qu’il peut imiter le mieux. Par ailleurs, il s’entend à faire diversion comme les prestidigitateurs, car il ne faut pas qu’on s’attarde sur ce qu’il produit.
Son idole : Han van Meegeren. Son ennemi radical : l’expert. Ou le paranoïaque.
12/1/23
Bien au chaud dans son petit monde, sa grande famille… Il est pris dans sa communauté, et sa communauté est prise dans leur religion.
Il a déjà les rites et la tradition. A-t-il besoin du sens ? Sans doute moins de liberté pour lui, mais certainement plus de sécurité en temps normal.
13/1/23
« Nous nous sommes tellement bien habitués l’un à l’autre que nous avons fini par nous aimer », me confia-t-elle avec un sourire en biais.
14/1/23
Tu considères souvent les figures du désir comme les figures archiconnues d’un jeu de cartes elles-mêmes archi-usées. Alors, pour ne pas t’ennuyer, considère mon ami les détails, le contexte, la manière, les circonstances qui changent tout le temps.
15/1/23
Nous avons nos rituels, nos habitudes. Le monde ainsi se structure, et l’adaptation, avec ses efforts et son risque d’anxiété, est moins requise. Paresse, confort des habitudes en lesquelles nous reposons. Cependant, la moelleuse habitude peut devenir tyrannique. Et ce lien, qui nous unit à des récurrences et contribue à nous tenir, finit par nous étrangler. Un proverbe tchèque dit avec force : « L’habitude est une chemise de fer ».
16/1/23
L’idée, la valeur d’« éveil » impliquent évidemment que nous sommes d’une certaine façon « endormis » même à l’état de veille.
Habitués, conditionnés, même robotisés la plupart du temps dans un environnement maîtrisé globalement, nous réagissons de manière semi-automatique, et nos facultés, comme l’attention, l’intelligence, la mémoire, l’imagination, sont peu requises. De ce fait, elles s’atrophient… Voilà pourquoi il faut compter sur une activité complexe et certainement pas sur le quotidien pour les stimuler, les entretenir.
17/1/23
Après avoir lu la fable de La Fontaine, Le Cochet, le Chat et le Souriceau, le comédien nous dit que la morale n’en était pas tant qu’il ne fallait pas juger les gens sur leur mine, mais celle-ci : c’est en général la vie qui nous dérange et la mort qui nous conforte.
19/1/23
Les Stoïciens pensaient qu’il ne faut s’étonner de rien (« nihil mirari ») quand Platon affirmait que le propre du philosophe est de s’étonner. Alors ?
L’attitude du chercheur, ou tout simplement de l’intellectuel, devrait conjuguer les deux attitudes. La seconde d’abord : hors des fausses évidences, l’esprit en éveil, étonné là où les autres somnolent, abrutis par la « doxa » ambiante ou simplement par le rythme travail/divertissement, l’intellectuel remarque des faits, des tendances, des situations qui ne vont pas de soi… Mais il rejoint la deuxième attitude, celle des Stoïciens, parce qu’en réalité tout a une ou plusieurs causes, tout est déterminé. L’affaire est donc de trouver, à partir d’un effet méconnu, une chaîne causale qui n’avait point été découverte auparavant.
20/1/23
« Stravinsky disait que le seul véritable commentaire d’un morceau de musique était un autre morceau de musique. Moi qui suis critique d’art, j’avoue humblement qu’il en va sans doute de même pour la peinture », m’avoua-t-il. « Mais je n’en suis pas capable… ».
21/1/23
Nous répétons à nos proches une formule dramatique concernant l’actualité.
Mais c’est une posture, une emphase. Parce que nous sommes aussi des comédiens avec les autres… Si l’on se connaît un peu, nous savons que cette formule ne recouvre pas tout ce que nous pensons de l’actualité, qui est plus complexe, nuancé.
Sauf qu’à trop répéter cette formule, nous finissons par y croire. Le comédien emprisonné par son rôle, pris à son jeu.
23/1/23
« Le commencement de la sagesse, c’est la crainte de l’Éternel », est-il dit dans les Psaumes. Pas d’accord : le commencement de la sagesse est la crainte des hommes, de ce dont ils sont capables, une fois leur violence, leur folie lâchées, déliées.
24/1/23
L’art : ni idée, ni message, ni divertissement. C’est pourtant ce que le grand public attend de lui généralement. Mais pour l’idée, il y a la philosophie, pour le message la communication, pour le divertissement les fêtes et parades.
25/1/23
C’est dire quoi en somme que le poète est un « voyant » ?
C’est dire d’abord qu’il... ferme les yeux. Longtemps. La réalité intérieure prime. Qu’il les rouvre un matin. Que ce qu’il voit alors reste en tension. Intérieur/extérieur. Que cette tension court dans les mots. Que les mots s’organisent alors dans le poème.
27/1/23
La vieillesse comme une maladie généralisée, dont l’unique remède est la mort. Ce qu’on peut faire est de soigner cette maladie inguérissable, la rendre supportable. Et ce qu’on peut faire de mieux, psychologiquement, est de redevenir l’enfant émerveillé que nous fûmes.
29/1/23
Pas drôle a priori : « Si la vie est misérable, elle est pénible à supporter ; si elle est heureuse, il est horrible de la perdre. L’un revient à l’autre », écrit La Bruyère.
Mais, si vous trouvez spontanément drôle cette situation désespérée, sans issue, cette aporie, il y a des chances pour que vous ayez le sens de l’humour…
31/1/23
Il me disait que, pour lui, voyager c’était peu ou prou retrouver l’ambiance du rêve, et d’ailleurs que, dans ses rêves, il voyageait souvent…
Oh, on ne connaît pas ce lieu, il reste étrange, on ne sait pas vraiment où l’on va, mais on avance... On est souvent étonné, et même un peu perdu… Il ajoutait que la condition nécessaire pour qu’un voyage s’identifie à un rêve est de voyager seul.