Juin 19

1/6/19

L'indifférence radicale du monde à l'égard de l'humain. L'humain peut s'exterminer, se livrer aux pires cruautés, dévaster son environnement, porter bien haut l'injustice comme il le fait : le monde, dédaigneux, le laisse à son insuffisance, sa folie...

Mais est-ce qu'une part de cette indifférence du monde ne nous habite pas secrètement ?

 

3/6/19

Il était content de son jeu de mots. C'était comme s'il avait attrapé un animal envahissant (le sensunik) dans une cage en forme de cylindre. Et il le contemplait, narquois, passant d'un bout à l'autre de la cage sans jamais pouvoir s'arrêter.

 

5/6/19

Il est tombé sur ce merveilleux proverbe indien : "Seul le rossignol comprend la rose".

Depuis longtemps il n'a pas lu quelque chose qui parle aussi bien de l'art.

 

7/6/19

Deux bouts de phrase dits d'une certaine façon, avec un certain accent, par deux personnes qui n'ont rien à voir... Pourquoi tournent-ils en boucle dans sa mémoire des années et des années après ? Ils n'ont pas de sens particulier. Mais chacun doit concentrer, en le suggérant, quelque chose de beaucoup aimé pour l'un et de beaucoup haï pour l'autre. Et, à y bien réfléchir, c'est la même chose en fait, mais vue de façon contradictoire. La même chose en lui-même, finalement, prise en tant que qualité et en tant que défaut.

 

9/6/19

Oh voilà ces longues journées de juin ! Les plus longues de l'année, qui vont vers le solstice d'été.

La lumière... La lumière qui se bat le plus longtemps possible contre la nuit. Et qui vient vous réveiller si tôt le matin quand on a oublié (ce n'est même pas certain) de fermer les volets. La lumière qui allonge le temps de vivre, énerve les oiseaux, et sublime les plus ordinaires des façades. 

La lumière, remplaçant la divinité quand on est agnostique ou athée.

 

11/6/19

Eh toi, l'humain, donne toutes les meilleures raisons que tu veux, mais si au nom du Progrès, de ton progrès, tu malmènes autant que ça et de multiples façons la vie, alors tu ne peux qu'être devenu, sans doute à ton insu, une force de mort !

 

13/6/19

"Être seul, comme l'enfant est seul", écrit Rainer-Maria Rilke dans Lettres à un jeune poète.

L'imagination de l'enfant, sa curiosité, son étonnement encore intact, ses jeux aux confins de la déréalisation... Il peut rester seul longtemps ainsi.

 

15/6/19

Ce cimetière, tout là-haut de la vieille ville, et qui donne sur la mer turquoise.

Il fait chaud, un oiseau chantonne, le gravier crisse sous tes pas. Tu visites respectueusement ton ultime demeure : calme, aérée, voisinage respectable, vue magnifique sur la Méditerranée, parfaite exposition au soleil. Bail renouvelable, et pour l'éternité.

 

17/6/19

Ces petites villes du Sud, écrasées par la chaleur, et où il croit sentir, presque toucher l'ennui.

Il pourrait lire, se promener, écrire, mais non, il ne veut pas se distraire de l'ennui. Le temps y ressemble à une belle goutte d'huile dorée qui gonfle, brille, tremble un peu mais tarde à tomber.

 

19/6/19

Comment il se fait que rien d'authentique ne peut sortir de ces rencontres ?

Les codes mondains (on doit effleurer, si possible élégamment, les sujets), la médisance très bien empaquetée (les absents ont toujours tort, et l'on se rapproche un peu en évinçant les autres), les faux-débats du moment (juste pour intensifier les échanges, si besoin est), les travestissements de soi (la vitrine toujours, l'arrière-boutique jamais), la soudaine affectation sentimentale (juste pour laisser un souvenir plus tard, si nécessaire), il les connaît par coeur, et chaque fois il se répète que jusqu'à présent les humains ont choisi de se retrouver pour des échanges pré-construits qui échappent à leur subjectivité.

 

21/6/19

Notre finitude ne consiste pas seulement en notre condition mortelle, précaire, en notre grande fragilité. Elle tient également au très peu que nous sommes - grain de sable dans une plage - pris dans la masse écrasante des milliards de nos semblables... Nous préférons ne pas trop y songer, nous rengorgeant de la petite importance que nous avons, ou croyons avoir, auprès d'une dizaine de personnes.

Et même si nous sommes "célèbres", comme on dit, c'est le plus souvent dans une aire géographique restreinte, et surtout auprès d'une catégorie limitée de personnes. Il suffit de sonder notre méconnaissance de "célèbrités" chinoises ou brésiliennes par exemple, - convaincues, elles, d'être universellement connues - pour mesurer l'extrême relativité de cette notion de "célébrité", qu'avec ça nous n'avons même pas inscrite dans une dimension temporelle, qui relativise encore plus les "gloires" locales.

C'est en nous laissant emporter, ravir, fasciner par le flux permanent, pléthorique de notre mental, qui se réfère le plus souvent à notre personne, qu'en fait nous nous accordons de l'importance, et oublions la quasi-nullité de notre condition d'individu humain, voué à la disparition, l'oubli, l'incognito, etc.

C'est le bavardage étourdissant de nos neurones qui nous divertit de cette finitude-là.

 

23/6/19

Exemple brillant d'une esthétisation de la sphère morale (après tout, c'est une mesure de rétorsion tout à fait acceptable, au vu des nombreux assauts moralisants sur la sphère esthétique, sur l'art !), cette phrase de Malcolm de Chazal : "La conscience met une pincée de sel additionnelle au péché".

 

25/6/19

Dans le froid tu te contractes, dans la chaleur tu te dilates.

Le froid te donne l'impression de te retrouver, la chaleur de te dissiper. Mentalité des pays froids introvertie, des pays chauds extravertie ? Peut-être...

 

27/6/19

Comme c'est curieux, ces stations balnéaires et ports de plaisance, mais qui sont également des ports de pêche : il y a toute une façade touristique avec ses restaurants, ses cafés à la mode, ses boutiques de luxe, ses antiquaires, et ses commerces proposant juste les objets de couleur locale qu'un citadin aurait envie de trouver ici, façade touristique qui ressemble en fait à un décor, animé, parcouru sans cesse par les touristes, et puis la "ville réelle", un peu plus loin, un peu plus haut, déserte, silencieuse, moins riche, avec ses maisonnettes délabrées où vivent les pêcheurs, les employés locaux, ses églises désertes, où entre furtivement une vieille dévote habitant le quartier, ses petits bistros où se réfugient les autochtones pour se retrouver entre eux...
Et l'on se demande : qu'est-ce qu'on est venu voir, visiter ?

Il faut laisser vriller cette question en soi, elle ébranle toute la démarche touristique. Quand, au tourisme de masse a répondu un immense commerce, l'affaire était fichue : le touriste-mouton était poussé dans un parcours fléché pour être gentiment tondu, et avec son consentement ! Il n'était plus un découvreur, un curieux, mais un idiot rentable qui ne percevait plus rien d'autre que la "couleur locale" préparée pour lui.

Mais la majorité s'en fiche en réalité : combien souhaitent vraiment être confrontés à la figure du Dehors, de l'Autre ? Déjà qu'ils la supportent mal chez eux !...

 

29/6/19

Il a compris qu'ils ne se comprenaient pas. Mais il a peut-être tort : il n'a pas compris qu'ils se comprenaient trop, et c'était insupportable. 

 

 

 

   

 

 

     

Ajouter un commentaire

Anti-spam