16/6/20
Je ne sais pas ce que j'ai fait, mais c'est une bêtise. J'ai voulu un peu rectifier l'agencement de la page, et je me suis retrouvé avec une série d'items, de variables complexes, mais je n'ai plus retrouvé mon texte.
Je suis entré dans une machinerie bizarre sans mode d'emploi. La technique n'a rien à faire des mots, du sens et des affects, même si l'on a l'impression parfois qu'elle s'entend à merveille à titiller notre colère !
Je ferai tout pour retrouver le mois de juin, mais tant pis s'il a disparu, car tout va de toutes façons disparaître. Les choses s'usent, se défont, l'entropie finit par triompher. Si nous contemplons cette panade avec un sourire, alors nous ne sommes pas loin de la sagesse.
18/6/20
Trouvé ces notes, en vrac, écrites pour ce mois de juin. C'est tout ce qu'il reste de ce mois parti dans l'oubli glacial de l'ordinateur, le grand indifférent (cause toujours, qu'il ricane, pour moi c'est input/output, et basta cosi !), cette grande mémoire qui finit par tout déstocker un jour ou l'autre... Voilà donc ces notes :
La mort est un sommeil infini, la vie n’est qu’un bref songe.
Spéculations - Je ne vois que la moitié de son beau visage éclairé. Elle a une trentaine d’année ou un peu plus, et une chevelure auburn ou d’un roux sombre. Il lui fait face, mais je ne vois que son dos et le derrière de son crâne, massifs. Un de ces soldats bétonnés tels que Gromaire pouvait les peindre, voilà à quoi il me fait penser. C’est une muraille, qui la protège ou l’emprisonne… Elle ne sourit pas. Qu’est-ce qu’avec lui elle peut bien foutre, elle si délicate et lui si mastoc ? Je n’en sais rien, c’est leur couple, c’est-à-dire une affaire complexe, un arrangement, un écheveau de liens obéissant à mille nécessités. Mais vu de l’extérieur, c’est une incongruité supplémentaire que ce duo apparemment désassorti.
Mais peut-être qu’elle est très angoissée et qu’il la rassure, ou bien qu’en fait elle est très dure malgré sa joliesse et lui très doux sous sa carapace. Ou peut-être encore que c’est juste son amant et que sa fréquentation la change de son mari. Un mari qui lui ressemblerait trop. Ou enfin peut-être que ce n’est même pas un couple… Je m’en fiche, ce n’est en réalité qu’une photo de Ralph Gibson !
Il avait imaginé comme consolation que dans la petite barre qui, gravée sur la stelle, sépare l’année de naissance de celle du décès, dans ce trait d’union insignifiant, était dissimulé un microfilm contenant les épisodes les plus marquants de la vie du défunt.
L'artiste et ses enfants : il a chéri longuement cette oeuvre, mais elle n'a aucun succès. Il la garde à ses côtés, lui conserve toute sa tendresse... Il n'a jamais vraiment aimé cette autre oeuvre, mais elle s'est tout de suite vendue. Elle s'est émancipée et le nargue... Il a eu de la sympathie pour celle-là et elle a plu. Il aimerait bien la revoir un jour, amicalement, installée dans son autre foyer...
Ils s'ennuyaient pas mal avec les autres mais, comme ils s'ennuyaient encore plus avec eux-mêmes, finalement et d'une certaine manière, ils finissaient par se désennuyer avec les autres...
Si l'on est attentif à ce qui se passe à l'intérieur de soi, on peut entendre le cri correspondant à l'émotion ou au sentiment qui nous envahit : colère, désespoir, terreur. Il vient souvent en premier. Est-il thérapeutique à être exprimé comme l'affirmait Arthur Janov ?
20/6/20
Si tu écoutes bien, peut-être entends-tu le galop sourd du temps qui fuit.
C'est un cheval sombre qui n'arrête pas de galoper le long d'un abîme sans fond. À un moment, d'une sèche ruade, il va t'expédier dans le néant. Lui continuera sa course, longtemps, longtemps.
Mais lui aussi, une nuit, disparaîtra dans l'abîme sans fond. Le Temps lui-même aura fait son temps !
21/6/20
Il a dit avec une moue de mépris, ou alors d'insatisfaction : "Beaucoup de gens sont en fait vacants, potentiellement badauds et en quête permanente de distractions... Ils sont même capables de se joindre à une file d'attente s'il y en a une, comme ça, par une vague curiosité ! Sauf quand ils sont amoureux ou alors rongés par un souci quelconque, ils ne sont vraiment habités par rien... Tout juste se déterminent-ils par rapport aux autres, à leurs connaissances, en les critiquant ou en faisant comme eux.
Alors celle ou celui qu'une vraie passion créatrice ou de recherche habite ne vit pas du tout comme les autres. Il ne peut même pas les comprendre. Comment un article de magazine ou ce qu'a fait une amie ou une proposition publicitaire peut les mouvoir, ça le dépasse totalement... "
Mais le connaissant, je savais que ce qu'il déplorait le plus, c'était cette forme de résistance par l'inertie, la frivolité, l'indifférence... Et pourtant n'était-ce pas là une excellente garantie contre toute tyrannie qui se prolongerait ?
23/6/20
Quel lien entre l'humour et la créativité ? Pourquoi tant d'êtres créatifs ont-ils le sens de l'humour ?
L'humour détache le sujet de l'objet, et les objets de leurs rapports supposés nécessaires. Il produit de cette façon l'insolite et la surprise, certes anxiogènes, mais il les traite de façon à leur ôter leur potentielle dangerosité. Et ces jeux de l'humour accompagnent la créativité, qui bouscule l'ordonnance du monde.
25/6/20
La mort, douche glacée qui calme toutes les passions. Les passions, fièvre délirante qui fait oublier la mort.
27/6/20
Palmiers et roches rouges sur fond azur et bleu cobalt.
Cyprès sur ocre jaune des façades.
Agaves luisantes sur végétation luxuriante aux taches pourpres.
Le train file tellement vite ! Juste le temps de ces notations...
29/6/20
Les petits cris des hirondelles se poursuivant en escadrilles virevoltantes. Toute son enfance. Lui courant et gambadant comme un petit fou avec les autres mômes. Des cris encore, des rires.
La vie pure, hors du temps...
30/6/20
"Fugit irreparabile tempus", écrit Virgile. Le temps fuit sans retour.
Ce qui, dans nos passions, ne bouge pas et revient sans cesse : une réponse dérisoire à la fuite du temps.