1/3/25
"On a ému les gens, et alors ?... À la sortie du cinéma, on a essuyé ses larmes et on pense à autre chose. Non, ce qui est plus intéressant c'est de faire naître un sentiment... Les sentiments nous travaillent quand les émotions restent fugaces", me dit-il. Mais ne faut-il pas quelques chocs d'émotions variées pour produire un sentiment ?
2/3/25
Il y a ceux qui sont obsédés par la mort et ils en oublient de vivre. Il y a ceux qui vivent sans jamais songer à la mort et ils en deviennent inconscients. Il y a ceux qui vivent pleinement mais en n'oubliant pas la mort : eux seuls sont vraiment humains.
3/3/25
"Le monde est tout ce qui a lieu", écrit Wittgenstein. Alors quel est le sentiment juste devant accompagner la conscience du monde ?
4/3/25
Elle trouve qu'il faut apprendre ce qu'est la souffrance des autres. Comment ? Témoignages, récits, documentaires... Les humains sont des blocs d'habitudes et d'indifférence que l'éducation doit entamer, insiste-t-elle. La commisération devrait faire partie de l'éducation autant que les savoir-faire. Il y a une stupidité de l'égoïsme.
5/3/25
L'imagination, faculté que stimule la nuit.
La raison, faculté qu'aiguise le jour.
6/3/25
Le nationalisme finit tôt ou tard par l'attaque, tandis que le patriotisme se justifie par la défense du territoire que justement le nationalisme attaque.
7/3/25
L'impérialisme semble être la vocation profonde des empires. Ils sont si vastes qu'ils craignent de susciter l'envie ou alors de se désagréger de l'intérieur. Et comme pour eux la meilleure défense c'est l'attaque, les empires sont régulièrement incités à la prédation et au colonialisme.
8/3/25
La découverte de ce qu'on appelle la "guerre hybride" n'est-elle pas aussi la prise de conscience que la guerre entre les puissances est en fait permanente et protéiforme ?
9/3/25
"Une œuvre d'art n'est lisible que par approfondissements successifs", écrit Nietzsche.
En même temps, il est essentiel d'appréhender l'effet de son apparence immédiate.
10/3/25
Elle est convaincue que la meilleure jouvence c'est l'amour. Tout véritable amour naîtrait vierge de mémoire et d'usure. Quel est le poids de ta mémoire ? Quelle est la force de ton élan amoureux ? C'est cela qui, selon elle, détermine ton âge spirituel.
11/3/25
Un doigt pointe vers la lune : il faut regarder le doigt, la lune et tout ce qui les unit.
12/3/25
La démocratie sans fondements républicains c'est toutes les dérives possibles.
13/3/25
Il me dit qu'avec la plupart des gens il est obligé d'exprimer la partie la moins intéressante de lui-même pour pouvoir communiquer avec eux. Et voilà pourquoi souvent il préfère rester seul et avoir ainsi une chance d'entrer en relation avec les parties les plus intéressantes de lui-même.
Mais il n'a pas assez de conscience sociologique ou ethnologique parce que les lieux communs éclairent beaucoup sur une société.
14/3/25
Le véritable Progrès serait de pouvoir maîtriser la logique incontrôlable des autres progrès.
15/3/25
Le progrès n'est que le mythe des sociétés qui font leur histoire selon cette idée, pensait Lévi-Strauss. Par exemple les sociétés industrielles et capitalistes, qui courent allègrement vers la dévastation de la planète et donc la ruine de l'humanité... La fin du recours aux guerres et le règlement des conflits par d'autres voies ne seraient-ils pas un progrès moins discutable mais beaucoup plus difficile ?
16/3/25
Elle pense que les passions expriment la réalité profonde des êtres et même que la raison n'est qu'une valeur secondaire et masculine.
17/3/25
Rencontre entre deux prédateurs : l'homme de guerre et le businessman. Avantage du second sur le premier : l'argent est le nerf de la guerre.
18/3/25
Le règne de la violence se manifeste par le devenir mafieux des sociétés.
19/3/25
Antipsychiatrie : quand la pensée existentialiste vient déranger les entités nosologiques conçues dans un contexte sociopolitique donné.
20/3/25
Nous ne sommes dans nos actions collectives qu'un futur récit sans cesse repris et réinterprété. L'histoire est la reine des sciences humaines, le véritable lieu de la discussion.
21/3/25
"Cette société de consommation nous propose sans cesse de petits plaisirs. Or en général c'est avec les petits plaisirs que nous nous consolons de la tristesse. Alors indirectement cette société communique un vague sentiment de tristesse", me dit-il. Et moi je m'interroge sur la bonne humeur fréquente dans les sociétés archaïques, traditionnelles...
22/3/25
La célébrité comme espérance d'un surcroît d'être (et peut-être chance d'immortalité) par une extension du paraître et de la reconnaissance par autrui. Également comme espérance d'être plus aimé ou desiré que la moyenne.
23/3/25
Parce qu'elle est connue une œuvre d'art est plus valorisée qu'une autre en général. Parce qu'il est célèbre un être est ressenti comme plus séduisant qu'un autre le plus souvent.
24/3/25
Sans doute les rapports de force entre les nations existaient-t-il de tout temps, mais c'était sous différentes formes et parfois ils n'étaient même pas visibles et/ou compensés par des tendaces coopératives. Mais lorsqu'ils apparaissent tels quels, dans leur brutalité archaïque, un sentiment de dégoût, de répulsion nous assaille, Comme si nous étions confrontés à de terribles forces dans l'humain que nous pensions par lui domptées...
25/3/25
Il est obsédé par cette image cauchemardesque d'êtres hirsutes se battant à mort sur un champ de ruines. Le monde d'après...
26/3/25
Comme il était important, et comme il n'est désormais plus rien ! Aujourd'hui il se satisferait pleinement de la condition du dernier des invisibles. Il accepterait même d'être un singe dans la cage d'un zoo... Mais la vie, n'importe laquelle, plutôt que ce cercueil pour l'éternité !
27/3/25
Son père a glissé dans la partie étroite de l'entonnoir. Il est de plus en plus serré, contraint et il sait ce qui l'attend au bout... Voilà, son père est entré tout simplement dans la vieillesse.
28/3/25
Tu aurais bien voulu être ceci ou cela, dis-tu. Mais cherche bien dans ta vie : même quand les conditions étaient favorables, tu n'as pas fait ce qu'il aurait fallu faire, et ça s'est répété. Alors non, en vérité tu n'as pas vraiment voulu être ceci ou cela... De la foucade à la velléité, il y a beaucoup d'états inachevés de la volonté.
29/3/25
Vouloir est une décision mentale complète, synthétique et lumineuse. Sans recoins d'ombre ou espaces intérieurs inexplorés : doutes, peurs, autres désirs méconnus...
30/3/25
Dans l'Ecclésiaste : "J'aurai le même sort que l'insensé. Pourquoi donc ai-je été plus sage ?". La niveleuse absolue qu'est la mort oblige à répondre aux grandes questions de valeurs.
31/3/25
Mourir satisfait.
A priori impossible : mourir n'est pas satisfaisant ! Ou alors il faudrait tellement être satisfait de toute sa vie qu'on n'aurait nul regret de la perdre.
Alors la première idée qui vient à l'esprit est qu'on a profité d'à peu près tout ce que la vie peut apporter.
La seconde idée : on a exprimé tout ce que l'on avait en soi, et l'on est assez vide désormais pour accepter l'absolue vacuité qui suit.
La troisième idée : on a enfin compris le sens de la vie, donc de la mort.
La dernière idée : on est revenu à la même pureté de sensation qu'étant enfant. Et la boucle est bouclée.