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Novembre 2022

1/11/22

  • La fête des morts… Est-ce que vous pensez à vos morts, ou bien vous les oubliez ? Ils meurent deux fois si vous les oubliez.
  • Mais quelle interaction avoir avec des êtres qui ne répondent plus ? À moins que vous accordiez foi à la médiumnité, c’est fini et bien fini. Ils n’ont plus rien à nous dire !
  • Oh, ils ont laissé assez de souvenirs dans notre mémoire pour qu’évoqués, interpellés, ils nous parlent à leur manière, en chuchotant…
  • Certains nous ont donné assez d’amour, il est vrai, pour que cet amour protecteur se manifeste encore, bien après leur disparition.

 

2/11/22

            Il était sensible à la moindre gêne ou douleur en lui, il sursautait aux lumières et bruits inattendus hors de lui, et bien vite il s’irritait pour des peccadilles. Bref, il avait les nerfs à vif.
            Mais cette hypersensibilité-là ne devient jamais créative, parce qu’elle n’est pas reprise en compte, travaillée par une instance sereine, altière, d’esthète. Cette hypersensibilité produit des marées qui vont et viennent. Mais tant qu’il n’y a pas d’usine marémotrice…

 

3/11/22

            Si tu te contemples lucidement, tu dois constater que tu ne représentes que huit milliardièmes d’humanité, que ton existence est éphémère par rapport à l’Histoire et nulle comparée aux temps géologiques, que ta solitude et ta fragilité dépassent toujours ce que tu veux bien croire, et que vertigineuse reste ton insignifiance… C’est insupportable. Alors de mille et une manières, tu te divertis. Que se passerait-il si, au contraire, tu méditais régulièrement sur ta finitude ? Expérimente la chose et réponds toi-même ! Te convertirais-tu à la religion ? Adopterais-tu la compassion bouddhiste ? Deviendrais-tu un humoriste radical ? Ou d’autres possibilités ?

 

4/11/22

            « Mon Dieu ! Qu’est-ce que ce monde ? », s’écria le marquis de Cinq-Mars, alors qu’il montait sur l’échafaud pour être décapité. Oui, qu’est-ce que ce monde, alors qu’il va disparaître à tout jamais ? Un rêve agité ? Un cauchemar ? La réponse magistrale donnée par Shakespeare : « C’est une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, ne signifiant rien ».

 

5/11/22

            Aucune beauté ne peut émaner de l’absurde. Trop d’incohérence, de facticité…

            En revanche un pathétique, un tragique moderne qui possèdent leur noblesse, leur grandeur, peuvent se dégager de cette situation : l’homme en quête de sens et confronté à l’absurde.

            L’œuvre de Camus a inscrit l’absurde dans le classicisme du tragique.

 

6/11/22

            Elle était harmonieuse dans les actes de sa vie, dans ses paroles.

            Elle trouvait intuitivement et chaque fois un rapport juste et agréable entre les éléments de n’importe quel ensemble. La plupart des gens ne s’en rendaient pas compte, mais ils se sentaient, et sans trop savoir pourquoi, charmés en sa présence.

 

7/11/22

            D’un côté les libertins, de l’autre les puritains. L’opposition n’est pas symétrique en fait. Ainsi, jamais les premiers n’ont voulu imposer aux autres leurs plaisirs charnels, leurs débauches. Au contraire des seconds qui, de la censure à l’imposition d’un ordre moral, n’aspirent qu’à la généralisation de leur conduite apparente.

 

8/11/22

            Confusément, ils sentent monter les nombreux périls, mais ils ne peuvent les nommer. De là cette agitation collective, et cet esprit réactionnaire d’ensemble. Ah, revenir à avant ! Rejeter ce qui vient !... La peur fragmente, isole. Alors, on n’attend plus que celui qui désignera enfin l’Ennemi pour que, dans une haine commune, la peur disparaisse et l’union se reforme.

 

9/11/22

            L’inspiration s’est retirée. La tête penchée, il est là, échoué comme un bateau envasé, en attente d’une mer qui tarde à venir. Il est conscient du ridicule de la situation : un artiste qui ne crée pas ressemble à un bateau qui ne navigue ni ne flotte. On peut à peine s’y tenir debout.

 

10/11/22

            Il me disait qu’avec l’âge on avait envie de simplifier sa vie, mais que justement et malheureusement celle-ci se compliquait à cause de tout ce qui marchait moins bien ou plus du tout.

11/11/22

            Deux fois le nombre onze et une fois le nombre vingt-deux, qui est l’addition des précédents. Telle est la date du jour… Les numérologues et autres épigones de Pythagore en feraient toute une histoire. On sait que le pythagorisme tenait dans la souveraineté et la sagesse du Nombre. Encore aujourd’hui, la part magique des mathématiques, la numérologie, fonctionne comme l’astrologie par rapport à l’astronomie.

            Jadis on savait que le mouvement régulier des planètes pouvait régler nos vies. On savait également que les nombres pouvaient d’une autre façon réguler nos échanges. C’était si important qu’on n’a pas pu s’empêcher d’accorder aux nombres et au mouvement des planètes une valeur magique qui demeure encore.

 

12/11/22

            Parfois angoisse de mort imminente pour lui rappeler son extrême fragilité, la brièveté de sa vie.

            Alors, il pensait que le bourgeoisisme consistait, entre autres attitudes, à s’installer dans la vie, à construire une société qui donne les moyens (mais aussi l’illusion) qu’on s’installe dans la vie.

            Mais on peut en être chassé d’un coup et pour toujours. Et chaque journée peut être la dernière. Les Anciens le savaient, ils vivaient avec ce savoir.

 

13/11/22

            Jours anémiques, livides comme des tuberculeux.

            La misère des SDF là-dessus ressemble à une terrible lamentation...

 

14/11/22

            La critique est l’investissement d’un niveau intermédiaire : on n’est pas encore totalement converti à ce au nom de quoi l’on porte ses critiques.

            Au-dessous et au-dessus de ce seuil, soit par renoncement, soit par conversion, on ne songe plus tellement à critiquer

 

15/11/22

            Conflits derrière certains consensus, mais aussi consensus derrière certains conflits. Ne pas être dupes de ces jeux cachés.

 

16/11/22

            Les images convenues du bonheur nous séparent plus de nos jouissances possibles que tous nos tâtonnements personnels, nos chemins de traverse.

 

17/11/22

            La lente genèse ou la fabrication progressive de toute chose, une fois connues dans le détail, diminuent considérablement, voire suppriment la fascination que l’on pouvait ressentir pour cette chose découverte d’un seul coup.

 

18/11/22

            Considérer l’animal caché derrière chaque homme : le requin, le porc, le renard, le caïman, le loup, etc., et la plupart du temps le mouton. Enragé parfois…

 

19/11/22

            La médiocrité vue sous l’angle inhabituel d’un manque de générosité, d’amour.

            On serait médiocre parce qu’on n’aime vraiment rien passionnément. On s’aime bien soi-même et les autres sans plus. On s’est adapté aux modèles dominants de « normalité ». On se satisfait de soi et du monde comme un petit monsieur des grandes villes.

            C’est la figure du « señorito satisfait » dans La révolte des masses d’Ortega y Gasset.

 

20/11/22

            Lorsque rien de passionnant ne nous porte ou transporte, la médiocrité des soucis d’intendance, du prosaïque quotidien prend un relief d’une grande laideur.

            Surtout ne pas s’habituer à ce paysage...

 

21/11/22

            Dans le torrent d’informations, signes et stimuli, dans les incessantes productions de l’industrie culturelle, le grand art est noyé. Plus précisément, l’écart qu’il creuse avec les significations communes et les valeurs courantes a du mal à se maintenir longtemps, à ne pas s’emplir du flux informatif quotidien.

            La conception ordinaire du progrès considère cet état de choses comme nécessaire, peu dommageable, voire justifié.

 

22/11/22

            “Sur les ailes du Temps, la tristesse s'envole”, écrit La Fontaine. Rapports intimes de la tristesse et du temps qui passe, s’est écoulé, nous a fait défaut, et ne revient jamais...

 

23/11/22

            Ce que l’argent ne permet pas d’obtenir est justement ce qui donnerait la force de se passer de lui.

 

24/11/22

            Les jours d’automne raccourcissent comme les années pour les vieillards.

 

25/11/22

            La tempérance, l’abstinence, la sagesse, la douceur… Oh, quand on est vieux, facile est la vertu, suite de renoncements subis !

26/11/22

            Les états d’âme sont impérialistes. Ils veulent tout le territoire mental et en plus prétendent à l’éternité.

            La tristesse par exemple… Si l’on se laisse envoûter par elle, elle colore tous les aspects de notre vie, et l’on peut croire que «la tristesse n’a pas de fin » comme dans la samba brésilienne d’Antonio Carols Jobim : « Tristeza não tem fim/ Felicidade sim ». Pour la joie, c’est pareil mais en plus fragile. Mais tous ces sentiments sont passagers.

            Le seul état d’âme qui aurait juste prétention à durer, on s’en rend compte peu à peu, est la sérénité. Elle implique l’acceptation que les états d’âme sont passagers.

 

27/11/22

            Le syndrome dépressif saisonnier. Octobre, novembre, décembre, janvier… Quand le ciel est si souvent gris, quand les journées sont vite envahies par le crépuscule, certains se souviennent nostalgiquement du ciel bleu et se désolent. Le seul remède est la contemplation de la lumière, d’un bleu luminescent, et de bien se persuader que les beaux jours reviendront.

 

28/11/22

            Les fugitives apparences, que langage et raison dissipent pour les remplacer par l’objet reconnu, fournissent la matière de l’appréhension artistique du monde, et sauvegardent le premier rapport sensationnel que nous entretenons avec lui.

            Les phénomènes, tels qu’ils nous apparaissent, et les images spontanées qu’ils induisent en nous - tout ce que la science a sciemment et vaillamment dépassé - composent le naïf et merveilleux trésor de l’artiste.

 

29/11/22

            “On ne découvre une saveur aux jours que lorsqu'on se dérobe à l'obligation d'avoir un destin”, écrit magnifiquement Cioran.

            L’obligation d’avoir un destin est produite par un idéal du moi, c’est-à-dire une instance morale. Et celle-ci fait chèrement payer le seul avantage qu’elle procure : nous faire oublier le tragique de notre condition au nom du sérieux de notre ambition.

 

30/11/22

            Que les mots saisissent les choses, qu’ils s’emparent d’elles dans le filet du langage, voilà qui reste miraculeux, extraordinaire.

          En un sens, les choses sont modifiées par cette maîtrise symbolique, au niveau tout au moins de leur apparence. Sauf à être ineffables ou monstrueuses, elles s’humanisent et se pacifient. Et le territoire de l’humain gagne en richesse et complexité.

           

             

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