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Octobre 2020

 

1/10/20

L’art contemporain a tellement joué avec la « dé-définition de l’art » (cf. l’ouvrage d’Harold Rosenberg datant de 1992), la nouveauté pour elle-même et sans la moindre pertinence, le n’importe quoi sans lendemain, et les spéculateurs, les critiques ont tellement accompagné cette dérive conduisant peu à peu et logiquement à l’indifférence, voire à l’ennui, qu’on peut très bien imaginer que demain le prix de l’art d’un seul coup s’effondre, voire que l’idée d’art ne suscite plus grand chose, sauf à valoir comme œuvre patrimoniale, historique… Bien entendu il s’agit d’arts plastiques ici : la musique, la littérature, les arts du spectacle ne sont pas concernés.

Un reflux salvateur vers l’art en tant que « savoir-faire », techniques parfaitement maîtrisées, et/ou représentation originale du monde, valeurs si méprisées au nom de la sacro-sainte « idée » (notamment à partir de Marel Duchamp et de la suite "conceptuelle"), pourrait alors se (re)produire.

Mais après tout, l’histoire de l’art ne nous habitue-t-elle pas à un éternel recommencement ?

 

 

3/10/20

Il évoque devant un ami Henri Miller et le jazz le plus échevelé, et songe : il faut aller profondément dans le pulsionnel, dans l’exacerbation du désir, dans la joie de l’expressivité pour éventuellement pouvoir surmonter l’horreur que notre futur néant suscite en nous.

Et son ami de répondre en souriant : « Mais tout ça, c’est simplement le dionysiaque ! »

 

 

5/10/20

« Vous avez la peau blanche et le cœur sale », écrivait le dadaïste Ribemont-Dessaignes.

Pensait-il alors au Blanc colonialiste, arrogant, massacreur, impérialiste et destructeur d’autres civilisations ?

 

 

7/10/20

Parler pour ne rien dire.

Qu’est-ce que ce parler-là aujourd’hui ? Inspirons-nous de la formule « parler de la pluie et du beau temps » : les propos météorologiques - même s’ils sont aujourd’hui plombés, dramatisés par la dérégulation climatique et ne sont plus aussi anodins que jadis - ne font que reprendre des bulletins météorologiques que l’on peut trouver partout. On le sait déjà… Alors, de la même façon, tout ce qui surnage un peu partout dans les médias est aujourd’hui une manière d’emplir le parler sans que quelque chose ne soit dite véritablement. Ce sont les lieux communs.

Non pas que le dire soit forcément une « vérité subjective », qu’il se réfère à la fonction expressive du langage (Jakobson), car on peut dire quelque chose sur le monde et pas seulement sur soi. Mais on ne retrouvera pas ce dire dans les nouvelles du jour. Informations "neutres", factuelles. En revanche, un témoignage authentique concernant le monde, c'est du "dire".

Mais le dire coïncide-t-il avec l’opinion ? Dans l’opinion, une bonne part est fabriquée par l’idéologie dominante, le discours collectif ambiant et ses préjugés. Alors l’opinion reste souvent un bavardage formaté, alimentant des débats prévisibles.

Le dire semble renvoyer à la parole, par opposition aux discours. À la signification par opposition à l’insignifiance.

Ainsi la question doit demeurer : « qu’est-ce qu’il ou elle nous dit là en fait ? »

La réponse est souvent : « pas grand chose… »

 

 

9/10/20

Il s’est débarrassé ce matin d’une petite horloge parlante électronique noire, fabriquée en Chine… Jeter le symbole du temps qui fuit continuellement ?

Ou plutôt marquer la fin d’une période révolue où, en pleine nuit, pour savoir l’heure sans allumer de lampe, il lui suffisait d’appuyer sur un bouton pour que la voix un peu nasillarde d’une jeune Asatique annonce, en découpant bien les syllabes : « Il est deux heures et quatre minutes »… Il pensait parfois que c’était là un symbole parmi d’autres de la suprématie chinoise : nous étions, dans toutes les langues du monde, à l’heure chinoise ! Maintenant, pour savoir l’heure la nuit, il lui suffit de regarder son portable où l’heure s’affiche dès qu’on le remue. Son portable est silencieux, il n’y avait plus de mademoiselle Liu ou Cheng pour dire l’heure. Oui mais son portable était aussi fabriqué en Chine. Alors finalement il songeait, bien au-delà de son temps individuel, au temps historique : de vrais blocs de temporalité qui s’effondrent et qui émergent. C’est-à-dire des chutes de civilisation, et des émergences, des suprématies nouvelles. La chute de l’empire américain. La domination chinoise.

 

 

 11/10/20

Dans le film spectaculaire « Le Seigneur des Anneaux », tiré de l’œuvre de Tolkien, un grand effort est accompli pour inventer des créatures répulsives, d’une grande laideur, lesquelles créatures évidemment sont en même temps dangereuses, meurtrières… Pourtant, le jugement esthétique sur la laideur ne va pas de soi, et mérite d’être interrogé. On se rappelle déjà l’ironie relativiste de Voltaire disant que pour le crapaud, la beauté c’est sa crapaude, et l’on peut également imaginer que, pour les épouvantables « orques » du film, nos beaux specimens d’humanité seraient sans doute ressentis comme répugnants.

Mais, restons dans notre monde humain. Si l’on s’attarde sur ce qui a dicté les choix des concepteurs et graphistes ayant imaginé, dessiné ces affreuses créatures, on remarque vite les constantes suivantes : de nombreux emprunts sont faits au monde carnassier (crocs, feulements, oreilles pointues), aux maladies (goîtres, furoncles, kystes, peau grisâtre), à la vieillesse (peau fripée, cheveux rares et mauvaises dents des Uruk-haïs), à des cicatrices et/ou mutilations (personnage d’Azog). Notons que la bestialisation de l’humain ne génère pas forcément un effet de laideur, ainsi qu’en témoignent des chimères comme le centaure ou la sirène. L’animal choisi devra donc être (vécu comme) dangereux : hyène, gorille (Bolg).

Par ailleurs la gestuelle continuellement agressive de ces créatures, leur conduite effroyable (cruauté, cannibalisme) contribuent à l’effet répulsif qu’elles provoquent.

Ces choix (in)esthétiques confirment donc de grandes évaluations, communes et négatives, devenues inconscientes en ce qu’elles échappent le plus souvent à un jugement critique : peur/rejet du monde carnassier, des maladies et blessures, de la vieillesse.

Quelques variations culturelles peuvent être apportées à ces déterminants de la laideur, mais elles jouent probablement ici un rôle mineur.

 

 13/10/20

Tu es tombé sur un vieux carnet du temps de ta puberté. Des notes hâtives, écrites au crayon, des surnoms de cousins, d’amis de l’époque, des sorties en famille… Tu retrouves ton passé avec émerveillement, avec une joie si exaltante que tu as envie de te replonger, par la mémoire, dans ce temps révolu.

Mais est-ce que le souvenir ne transfigure pas tout ce qu’il évoque ? Cette puberté retrouvée, lorsqu’elle était le présent, n’était-elle pas vécue dans les mêmes ambivalences d’humeur qu’aujourd’hui, voire émaillée de peurs qui ont été oubliées ?

La passé te séduit déjà parce qu’il est ton enfance, ta jeunesse, c’est-à-dire un temps où tu étais bien plus éloigné de la mort, de la vieillesse…

 

15/10/20

« L’harmonie cachée vaut mieux que l’harmonie visible », écrivait Héraclite.

C’est ainsi que certaines œuvres vous rassurent et ravissent alors que leur thème et leur première apparence devraient nous heurter.

 

17/10/20

Quand tu tournes en rond, irrité car quelque chose te manque mais tu ne sais pas ce qui te manque, alors ne cherche pas plus longtemps, ce qui te manque c’est ce que nous négligeons systématiquement aujourd’hui, pourtant ce qui nous remet à neuf et nous redonne la jouvence du regard : ce qui te manque, il y a fort à parier, c’est la poésie.

 

19/10/20

Comment le désespoir nous frappe d’un coup, sans raison apparente.

Tout comme le bonheur qui surgit, moment de grâce parfois incompréhensible.

Les raisons du désespoir, nous pouvons facilement les aligner après coup : absurdité de l’existence, fuite irréversible du temps, limitation croissante des perspectives et, bien sûr, finitude de notre condition humaine, biologique… Mais il n’est pas sûr qu’un accés de désespoir soit immédiatement le produit de ces raisons très générales. Parfois, c’est juste une pensée ou alors une perception fugitive, en apparence anodine mais intolérable en fait, parce que toute notre impuissance s’y résume, s’y concentre.

La somme accablante des déterminismes…

Le bonheur soudain est l’inverse : la saisie d’un coup du miracle de vivre.

 

21/10/20

Lui idéalisait spontanément les gens qu'il rencontrait, il les embellissait, il s'enthousiasmait de caractères communs, il s'étonnait, il trouvait tout extraordinaire, il en faisait des figures mythiques de ces gens quelconques.

L'autre montrait leur petitesse, leur médiocrité, leur bassesse, leur bêtise, leur méchanceté, et il les ridiculisait, les caricaturait, les conspuait, car ce n'était en rien l'humanité qu'il attendait, espérait, souhaitait.

Les deux étaient des artistes à leur manière, parce qu'ils refusaient le monde humain tel qu'il était, l'un en le déréalisant comme un fou, et l'autre en croyant l'observer mais depuis son idéal.

 

23/10/20

Vous connaissez ce célèbre conte danois d’Hans Christian Andersen, La Princesse au petit pois, où une vraie princesse se reconnaît à ce qu’un petit pois niché sous des matelas superposés l’empêche de dormir ? Eh bien, je vais vous dire : vous pouvez mettre des couches et des couches d’érudition sous un artiste, et ça ne l’empêchera pas de garder son inquiétude. Parce qu’il sentira toujours ce fichu petit pois, qui est le germe permanent de son génie !

 

25/10/20

Les bons élèves… Les professeurs aiment les bons élèves. Ils se mirent dans ces visages clairs, sérieux et attentifs. Ils se sentent encore plus satisfaits de leur cours, et reconnus pour leurs efforts pédagogiques.

Qu’y a-t-il dans la tête d’un bon élève ? Souvent un compétiteur, qui a envie d’être le meilleur de la classe. Ou un fils qui veut être reconnu, préféré par ce père bis. Ou encore un être qui a trouvé sa voie dans la matière enseignée. Ou enfin un anxieux qui a peur de sortir un tant soit peu des clous.

L’élève créatif… Il agace mais aussi fait rire les professeurs. Ils pressentent un « potentiel » derrière ces yeux vifs et hilares, mais ils déplorent leurs côtés brouillons, imprévisibles, attentifs par intermittences.

Que trouve-t-on dans la caboche d’un élève créatif ? Souvent un être décalé, qui dessine pendant les cours de Maths, écrit des poèmes pendant les cours d’instruction civique. Un être qui trouve aussi ennuyeuses les conversations des bons élèves que celles des mauvais élèves. Un individualiste qui, dans la classe, ne trouve pas vraiment sa place. Un solitaire finalement.

 

27/10/20

Pendant la conversation téléphonique, sa main a commencé un dessin automatique…

Au début, c’était des figures répétitives, puis elles ont on commencé à se complexifier. D’autres agrégats se sont formés plus loin, tandis que d’étranges raccords ont commencé à relier les premières figures aux agrégats. Ce qui alors prenait « forme » était surtout étonnamment difforme. Mais suffisamment attractif pour exercer plus d’attraction que les propos plus ou moins convenus qu’il échangeait au téléphone… En même temps, il souhaitait que l’entretien téléphonique continue à capturer sa raison, afin que la partie sauvage de son cerveau puisse s’exprimer comme ça, sans destination prévisible.

Quand la conversation téléphonique s’est enfin achevée, il a découvert l’énorme et bizarre production, dont jamais il ne se serait cru capable, au fond du papier.

 

29/10/20

Tu veux converser avec les êtres chers disparus ?... Parle-leur dans ta tête : ne t'en fais pas, ils répondront.

Ils occupent suffisamment ta mémoire pour qu'elle te donne la matière de leurs probables réponses.

 

31/10/20

L'artiste en face de la publicité ou, pire, de la propagande...

Il est atterré par l'usage qui est alors fait des symboles, des archétypes, de l'imaginaire.

Lui aussi travaille sur ces éléments, mais il JOUE avec, il les combine, les détourne, les malmène, les complique.

Il se désespère : les grandes cérémonies nazies, les numéros d'acteur de Mussolini, la "communication politique", les spots publicitaires, c'est une dramaturgie de pacotille, du mauvais théâtre, un cinéma grossier !

Il se désespère encore lorsqu'il voit de bons artistes vendre leur savoir-faire à la propagande (Leni Riefenstahl, Marinetti) ou à la publicité (la liste des cinéastes qui en ont fait est si longue !).

Il se désespère enfin de voir le peuple tomber chaque fois dans ces pièges esthétiques grossiers par manque d'éducation artistique. Seule réjouissance pour lui : quand un grand artiste met son talent à exhiber, ridiculiser ces minables détournements, comme Chaplin dans "Le Dictateur".   

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

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