1/10/24
Oh comme il est douloureux cet infini sentiment de notre finitude ! Et comme il est puissant celui de notre impuissance !
2/10/24
La gloire, la jeunesse, l'amour romantique font croire qu'ils sont éternels et, indirectement, que nous le sommes.
3/10/24
Oh ce n'était sans doute pas mieux... mais voilà c'était hier, notre enfance, il y avait plus de vie, ça paraît plein parce que sans la morsure permanente du futur. Ce sentiment, n'est-ce pas la nostalgie ?
Il m'avoue que parfois il a envie de retourner là-bas, dans le passé, pour y mourir.
4/10/24
Le passé, le présent et le futur sont en perpétuelle concurrence. La dévalorisation de l'un entraîne souvent la valorisation de l'autre ou des deux autres. Voilà pourquoi la vieillesse valorise le bon vieux temps et les jeunes espèrent tant en leur futur.
5/10/24
Elle me dit que certaines personnes sont si défraîchies qu'elles ne regrettent même plus leur fraîcheur passée...
6/10/24
Il ne peut/veut pas le voir parce que ça heurte ses idéaux.
Il n'a pas d'idéaux et il peut le voir. Ou plutôt si : l'exigence du vrai au-dessus de tout.
7/10/24
Les majorités restent silencieuses et puis un matin elles font un affreux bruit.
8/10/24
La médiocrité : prosaïsme, mesquineries et absence de perspective.
10/10/24
Il me dit : "Ce qui nous remplit mentalement, c'est ce qu'on fait, creuse, travaille... Pas ce qu'on absorbe. La société de consommation est une arnaque. Ils ont beau se gaver, ceux qui en sont les victimes, ils sont toujours aussi vides. Et donc spontanément ils s'empllssent à nouveau. Sans fin. Tonneau des Danaïdes... Pour tirer quelque chose de quoi que ce soit, il faut tisser des liens entre le monde et nous-mêmes ("intelligere") et ce tissage est un travail, une création qui peuvent nous construire ou nous donner quelque consistance".
11/10/24
Sophismes dans les discours politiques, les slogans publicitaires, les opinions circulant sur les réseaux sociaux. C'est un raisonnement bancal mais vraisemblable qui accroît sa force du besoin d'aller vite et sans effort vers le vrai.
12/10/24
Lorsque les Lumières s'éteignent, ce n'est pas parce que nous n'en avons plus besoin, mais parce que le besoin, les passions, les intérêts ou l'ignorance ont accumulé assez de force pour les opacifier... Mais tiens bon et, comme t'y invite Kant : "Aie le courage de te servir de ton propre entendement".
13/10/24
Elle me demande en souriant : " Une œuvre d'art nous invite-t-elle à mieux regarder le monde ou à nous en évader ?". Ma réponse : "À mieux regarder le monde en nous évadant de l'aspect figé que nous imposent l'habitude, la convention, l'utilité".
14/10/24
Le psychiatre : faites attention de ne pas appeler "absurde" ce dont vous n'avez pas encore perçu ou compris le sens ! Et ce sens vous est d'autant plus inaccessible que vous n'avez pas un accès facile à la raison propre aux sentiments...
15/10/24
Mais que veulent-elles bon sang ?
En fait un monde des apparences et héraclitéen où la volonté ne puisse plus s'exercer...
16/10/24
Je me demande s'il n'hésitait pas ainsi pour être dans ces moments où la conscience de soi est la plus vive... Il hésitait en somme pour vivre l'expérience du choix, du choix par définition conscient, loin des pulsions opaques et des innombrables automatismes.
17/10/24
La pleine conscience que tu as de tes actes, de tes pensées et de ta conduite est comme un jugement silencieux et permanent, d'une froide mais impuissante ironie.
18/10/24
Pour Aristote la prudence (phronesis) est la vertu qui permet de déterminer le meilleur choix possible dans le domaine de la contingence. L'homme prudent perçoit les dangers du monde extérieur mais aussi les folies du monde intérieur. Mais il ne faut pas grand chose pour qu'il soit le plus souvent tenté de se désengager... Alors la prudence doit également s'accompagner de l'affût à l'égard du moment opportun (kaïros).
19/10/24
Si l'idée qu'un principe divin coïncide avec la nature, l'univers, la totalité du réel définit le panthéïsme, qu'est-ce qui le différencie vraiment de l'athéïsme ? Le célèbre Deus sive natura de Spinoza fut à juste titre reçu comme un athéïsme déguisé. Où sont en effet le culte, le respect, l'obéissance, la Révélation dans le panthéïsme ? Toutes les religions monothéistes y perdent leur raison d'être... Les philosophies (stoïcisme, spinozisme, hegelianisme) en revanche s'en accordent d'autant mieux que ce vague principe divin permet un surcroît de gravité, un saupoudrage théologique bienvenus à leur système.
20/10/24
Elle me dit que si l'on oppose l'acte à la puissance, en tant que la puissance renvoie à ce qu'un être est seulement comme potentialité, alors beaucoup d'entre nous préfèrent rester dans la virtualité de leur faisable, dans la puissance sans réalisation qui à la longue se mue en impuissance, parce que ce non-passage à l'acte crée une sorte de temps figé, le développement ne se réalisant jamais. Mais c'est une illusion, une conduite magique car le temps passe, et il se passe jamais rien pour ces êtres...
21/10/24
Comment une somme de ce qui n'était que contingences a pu produire cette nécessité...
22/10/24
Une exigence morale, justifiée à une époque, peut créer un dogmatisme injustifié. Alors commencent les procès en sorcellerie, les "tribunaux populaires" ou médiatiques. Et l'exigence morale devient passion avec tous ses excès injustes.
23/10/24
"Tout est néant. La résignation est stupide et la révolte pareille à l'aboiement chien fou", écrit Shakespeare dans "Antoine et Cléopâtre". L'homme de théâtre n'est-il pas le plus à même de saisir la condition humaine en la concentrant sur une simple scène pour mieux l'observer ?
24/10/24
L'abattement c'est juste quand nous avons le sentiment que les choses sont plus fortes que nous, que l'état des choses nous pétrifie. Obtenir un résultat, même un petit, suffit à nous extraire de l'abattement.
25/10/24
Autre vertu de la vérité scientifique : elle crée un monde commun, si nécessaire au-delà de tous les particularismes.
26/10/24
Passionné par son présent, projeté dans son futur, l'adolescent ne s'intéresse pas à son passé d'enfance. L'homme âgé, lui, voudrait bien retrouver sa jeunesse et son enfance passées. Mais il ne découvre que des bribes, des fragments, effaré qu'il est par le gouffre de l'oubli...
Alors qui peut restaurer la mémoire ? L'historien. L'historien en nous qui se sert de documents, de témoignages, recoupe des faits, utilise son intelligence en se défiant de l'illusion rétrospective qui idéalisé le passé. Nous devenons nos biographies, essayant de reconstruire et comprendre.
27/10/24
Calme-toi, c'est fini... C'était juste ton passé qui jouait à être présent. Qui en te possédant voulait vivre, survivre. Mais il est mort ou, plus précisément, muséifié...
28/10/24
Il y a une mémoire sociale, collective et tu es obligé de passer par elle pour te situer dans le passé, et voir, vérifier comment tu as vécu tel ou tel évènement historique. Ce que tu faisais alors, le texte de ta mémoire ne se conçoit pas sans le contexte de ton environnement familial et social.
29/10/24
Dans son éternel présent le petit enfant ne sait pas encore créer la temporalité et donc la mémoire. Voilà pourquoi nous avons si peu de souvenirs de nos premières années. Cependant certaines situations certains évènements ont dû alors nous marquer, mais nous ne nous en rendons compte que par des symptômes, et bien plus tard...
30/10/24
Vous avez une certaine image de vous-même ? Tout ce qui la fausse et contrarie, soyez-en sûr, va être promptement oublié...
31/10/24
Tu tiens un journal intime, et tu y notes beaucoup de choses. Mais, 10 ans après, tu le relis, et beaucoup de ces choses ne te diront plus rien... Tu as beau faire, mais tu ne conserveras qu'un nombre infime des évènements de ta vie. Juste les grandes lignes et quelques points.
