Octobre 21

1/10/21

            C’est le seul fait de vivre qui nous fait entrer dans le Temps.

            Si brièvement que ce soit, notre vie a interrompu l’éternité du néant.

 

3/10/21

            On associe à juste titre le totalitarisme, une dictature au sentiment de peur. Et l’on peut alors en déduire qu’un régime où ce sentiment n’existe pas ou peu est une démocratie.

            Mais les progrès des sciences humaines dévoyés en techniques variées de persuasion ont fini par rendre possible un tel conditionnement des individus qu’il n’est plus nécessaire de les tenir par la peur. Ils obéissent sans même s’en rendre compte. Ils sont aliénés, toujours un peu absents, mais ça va, ils sont bien contents de n’être pas en dictature.

 

5/10/21

            Cet attachement aux choses… La tentation était forte de l’interpréter comme une compensation. Cet attachement aux autres qui fut difficile, ou avait échoué, fut compensé par un attachement secret aux choses. Elles au moins ne trahissaient pas… Il suffisait de les aimer, de les enrichir de mémoire, de s’attendrir de leur fidélité ou alors de s’énerver de leur curieuses disparitions épisodiques, pour les humaniser. Alors s’en séparer devenait très difficile, voire impossible. Un abandon, une trahison…

            C’était des drames cachés, silencieux.

 

 

7/10/21

            Comment Ambrose Bierce définit l’existence : « Un affreux cauchemar, fantastique, éphémère/Où tout semble tenir, qui ne renferme rien,/Dont nous nous éveillons en criant : « Quelle blague ! »/Quand la Mort gentiment nous donne un coup de coude ».

            La puissance d’une vision, artistique ou philosophique, ne tient pas à sa « vérité » (cette dernière serait marquée par de multiples nuances et une complexité extrême), mais au raccourci saisissant qu’elle offre, d’une séduction telle qu’on a du mal à s’en déprendre.

 

 

9/10/21

            Alors qu’en fait les sociétés changent peu ou lentement, difficilement, que les épisodes révolutionnaires sont rarissimes, les passions politiques restent violentes, toujours comme si l’on était au bord de décisions collectives cruciales. C’est qu’un engagement politique peut donner un sens à une vie, autrement menacée d’absurdité.

 

 

11/10/21

            Le revers de l’idéal, c’est la censure.

            Au lieu d’être surtout créatif, affirmatif, l’idéal se manifeste alors par la répression, l’interdiction ou, pire, le refoulement, de ce qui se trouve à son opposé.

            Le « culturellement correct », la « cancel culture » génèrent une censure qui, sous une forme atténuée, finit par ressembler à la « charia » coranique.

 

 

13/10/21

            La création a très vraisemblablement à voir avec une forme de réparation.

            L’artiste est particulièrement sensible à l’échec, à la destruction (le fameux « la vie est bien entendu un processus de démolition » de Scott Fitzgerald), mais là où une autre personne se restaurerait, à tous les sens du terme, autrement, ou simplement se divertirait de multiples façons, l’artiste a recours à cette stratégie particulière de fabriquer un objet symbolique dont la consistance, telle qu’il l’éprouve, contribue à réparer ces atteintes à son intégrité.

 

 

15/10/21

            De temps en temps, il se répétait: « c’est MA vie… ».

            Ce n’était pas une vie rêvée, la vie d’un autre, une autre vie, une vie idéale, une vie qu’il fallait attendre, non, cette vie-là, c’était sa vie, la vraie, la seule.

            Et c’est en quittant toute illusion, toute appréhension fictive, en reconnaissant et assumant sa situation, qu’il pouvait le mieux arranger, améliorer ce qui était là.

 

 

17/10/21

            On a dit que le repos de l’âme consiste à ne rien espérer. Pourtant l’on n’associe pas le désespoir au repos de l’âme. Alors ?

            Le désespéré continue en fait à espérer furieusement, en sachant bien que ce n’est pas possible… Mais en supprimant l’espoir autant que le désespoir, on arrive à une étrange sérénité qui nous éloigne du vécu moyen de nos semblables.

 

 

19/10/21

            L’alcool ouvre à un autre espace-temps.

            La temporalité est distendue, déjà parce que le flux mental ralentit, favorisant un état de stupeur sensorielle. L’espace perd sa familiarité au profit d’un environnement trouble et incertain. L’adaptation à ce nouvel espace-temps entraîne la mise de côté des soucis du moment. À l’oubli de la situation globale avec ses limites et contraintes, se joint une focalisation sur l’ici et maintenant qui semble planer dans une sorte d’éternité.

            Un proverbe chinois dit que l’homme ivre s’entretient avec les dieux.

 

 

21/10/21

             A aime B qui ne l’aime pas. Ou l’inverse.

            A aime B qui l’aime.

            A n’aime pas B qui ne l’aime pas.

            A et B sont indifférents l’un à l’autre.

            Dans le meilleur des mondes, les gens qui s’aiment se rencontrent et ceux qui ne s’aiment pas ne se rencontrent jamais… Pourquoi faut-il, se lamentent tant de gens, que je ne t’ai jamais rencontré(e), toi dont je ne connais pas le visage, et pourquoi faut-il que je croise ton chemin, toi que je n’aime pas ? Pourquoi faut-il que l’indifférence prime ? C’est d’autant plus dommage qu’on n’a qu’une vie ! Chœur des lamentations.

 

23/10/21

      Si l'on se dit que le Mal, c'est le totalitarisme (nazisme, stalinisme, fascisme), on peut avoir une idée, a contrario, non du Bien mais d'un sol éthique à partir de quoi toutes les valeurs peuvent se discuter.

          

 

25/10/21

            Thomas Jefferson disait qu’il préférait les rêves du futur aux histoires du passé. On comprend bien l’optimisme du troisième président de cette jeune nation qu’étaient alors les Etats-Unis… Mais aujourd’hui, hélas, bien des gens préfèrent les rêves du passé aux histoires cauchemardesques du futur. Sans doute un système d’un irresponsable optimisme est-il la cause de cette déplorable situation présente.

 

27/10/21

  • Comment tant d’hommes et de femmes ont-ils pu être fanatisés par ce sinistre moustachu éructant, au physique ingrat et n’ayant pas le moindre charme ?
  • C’est ce qu’il incarnait… Une Allemagne vengée, redressée, triomphante…
  • Mais enfin ne percevaient-ils pas, derrière ses discours martiaux, les sombres perspectives d’une guerre longue, et de morts en pagaille ?
  • Vient un moment où une volonté de puissance collective prend le pas sur la prudence, le sens critique individuels…
  •  Heureusement, il y a des individualités fortes qui résistent à la masse, au groupe, et même à leur famille, voire à leur conjoint. Lisez Arno Schmidt. Mais il a passé pour fou ! Peut-être l’était-il un peu pour rester intact.

 

 

29/10/21

            Être par-delà le Vrai, le Faux : c’est tout l’art du possible, du probable, de l’incertain, du mystérieux… Être par-delà le Bien, le Mal : sonder le relativisme des normes morales, tenter de dissoudre ces valeurs dans l’analyse factuelle… Être par-delà le bonheur, le malheur : là, c’est plutôt une longue pratique de la méditation qui positionne en surplomb par rapport aux intermittences de l’humeur, des états d’âme.

 

 

31/10/21

            L’automne. Le vent qui chasse les feuilles mortes…

            Image du temps qui balaye nos illusions perdues.

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