Septembre 2020

1/9/20

La fragmentation, l’isolement, puis la discorde, la dissension. Tout un monde crie, proteste, plus personne n’a envie d’écouter qui que ce soit… Et un immense brouhaha s’impose, d’où rien de cohérent, significatif ne semble émerger.

Ceux qui s’en tirent, à ces moments-là, restent les silencieux qui continuent à agir discrètement. Ils se moquent de l’écume bruissante, eux, et travaillent dans l’ombre des profondeurs.

Quant aux silencieux qui n’agissent pas - la majorité en fait - ils en ont assez de tout ce chahut, et finissent par réclamer de l’ordre, au prix même de leur liberté…

Tout cela ne dérange pas les silencieux qui agissent dans l’ombre : ordre ou désordre, ça les concerne fort peu… C’est eux qui ont le véritable pouvoir.

 

3/9/20

Tu es à nouveau parti, comme pour nier la fin de l’été. Le temps a fui de son côté, tu as fui du tien.

Mais si tu as une puissance sur l’espace, tu n’en as guère sur le temps. Et vos fuites restent tragiquement dissymétriques.

 

5/9/20

La photographie comme parade préventive à l’inéluctable nostalgie…

La photographie, c’est le présent fixé là comme réponse à l’anticipation probable de la perte : demain tu vas penser que ces moments furent agréables, et les regretter ; alors tu les arrêtes au moins par la vue, maintenant.

 

7/9/20

Tu t’es échappé et tu es parti sur l’île.

En fait, tu voulais échapper à la routine, aux obligations, au prosaïque et à la médiocrité.

Mais imagine que tu veuilles t’échapper dans ta tête, plus radicalement et durablement, et que cette île se trouve au plus profond de toi-même, que ferais-tu ?

Je deviendrais fou. Ce serait une bonne solution, mais ça ne se décide pas.

 

9/9/20

La ville huguenote, blanche et grise, austère, aimante. Un climat de liberté responsable, sans grande fantaisie. La ville a souffert parce qu’elle était dissidente, et elle a héroïquement résisté. Maintenant cette ville est riche, mais toujours discrète, sobre, feignant même parfois le dénuement.

 

11/9/20

Une autre ville… Bon, essaye un peu d’en rendre compte par ton ressenti, et sans toutes les références historiques, géographiques, économiques, etc. C’est une ville un peu à l’abandon, non ? Combien de murs attaqués par la végétation et de façades lézardées ! De ruelles désertes bordées de maisons anciennes et voûtées !

Oui c’est exact, mais il y a tellement de jeunes qui se réunissent le soir dans cette ville qu’on ne peut plus parler d’abandon ; et surtout, ces murs peints, si nombreux et faisant référence à la bande dessinée, ces statues colorées de héros du neuvième art… Tout cela est bien adolescent. Adolescent dans une ville chenue. Et puis c’est sportif, non, de vivre à deux niveaux, une ville haute et une ville basse ? Oui, mais les bords du fleuve poisseux, endormi qu’une végétation épaisse, touffue a envahis, n’appellent-ils pas la contemplation ?

 

13/9/20

«Il n’y a rien qui aille aussi vite que le temps ». C’est le poète (Ovide) qui parle. Et avec ça, lui fait des incursions dans l’Être, dans l’éternité ! Mais tous les autres qui ne font que s’agiter ou « tuer le temps », que doivent-ils dire ?... Eux qui ne tracent rien sur l’écorce du tronc, qui n’ont pas le style(t) à la main pour graver la cire, eux les frivoles gesticulant, que doivent-ils dire ?

Ils ne disent rien, ils accélèrent de peur de se retourner derrière, avec effroi…

 

17/9/20

La plus grande grève du monde pour protester contre ce que le système productiviste fait endurer à la planète, avec toutes les conséquences ravageuses, comme par exemple les zoonoses, les épidémies qui en découlent : voilà, nous allons tous volontairement nous bâillonner, et protester ainsi, en silence et un bâillon sur la bouche, jusqu’à ce que les dirigeants comprennent : nous devons passer à un autre ordre du monde !

 

19/9/20

L'un des pères de l'art contemporain était un sacré farceur... Beaucoup de ses épigones n'ont pas eu son humour, ô loin de là et, comme par hasard, son talent. Lui a pu écrire ceci : "La différence entre un bébé qui tète et un premier prix d'horticulture potagère est que le premier est un souffleur de chair chaude et le second un chou-fleur de serre chaude" . Cet olibrius s'appelait Marcel Duchamp.

 

21/9/20

Il s’émerveille de ce que les calembours, les allographes font découvrir : il pensait à l’usure un peu dégoûtante parfois que produisait, après chaque dimanche, l’arrivée de la semaine suivante, et comment on finissait par tomber dans l’indifférence, quand soudain le mot comme signification s’estompa d’un seul coup pour laisser place, avec les mêmes sons pourtant mais découpés autrement, à lundi fait rance.

Tellement plus fort et suggestif…

 

23/9/20

  • Lui : Laisse-moi emporter rien qu’une journée de ma vie, seulement une journée !
  • La Mort : …
  • Lui : Cette journée, je la revisiterai sans cesse, dans tous les sens. Je reviendrai sur tous mes actes, mes plus insignifiantes pensées, sur la lumière de cette minute, le bruit là, même cette petite douleur à la gencive, les presque riens…
  • La Mort : …
  • Lui : Mais en quoi ça te dérangerait, une journée, rien qu’une journée que j’emporte pour l’éternité ?
  • La Mort : …
  • Lui : Bon ça va, j’ai compris, c’est de mon vivant que je dois réaliser ça, comme Joyce pour cette journée du 16 juin 1904, une journée tout à fait ordinaire de Leopold Bloom dans la ville de Dublin. Une journée qui commence à 8h et se termine si tard dans la nuit...

25/9/20

Trois ou quatre sacs bourrés d’affaires, parfois même un caddie plein à rabord, que jamais ils ne quittent et avec lesquels péniblement ils se déplacent dans la ville : les miséreux ont avec eux tout ce qu’ils possèdent. Les riches se déplacent avec rien, ou presque : juste un porte-cartes avec cinq ou six cartes de crédit… Le microcosme matériel des pauvres, le macrocosme virtuel des riches.

27/9/20

Il ne voit pas seulement de magnifiques dessins, leur complexité, la richesse de leurs détails… Il imagine également les heures passées dessus, en silence ou en écoutant de la musique. Il imagine la table encombrée de crayons, bouteilles d’encre, porte plumes, boîtes d’aquarelles, chiffons. Il imagine la solitude habitée du dessinateur, et la plénitude de ses heures de création volées au prosaïsme du quotidien, à la passivité de la consommation, au bavardage de la sociabilité, au sommeil sans rêve.

29/9/20

Salieri/Mozart : exemples les plus connus… Dans le monde de l’art, la plus grande injustice, la plus douloureuse frustration sont éprouvées par ceux qui ont déjà ce talent de reconnaître le génie, et l’honnêteté d’admettre qu’en dépit de toute leur peine et de tous leurs efforts, ils n’en possèdent aucun. Facilement ils conçoivent comment d’autres inégalités peuvent être surmontées, mais cet écart vertigineux entre les tâcherons et le génie, non, pour eux c’est terrible.

 

 

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