1/9/24
"Ayez surtout souci de séparer les choses du bruit qu'elles font", écrivait Sénèque.
Plus que jamais vrai au temps de la fallacieuse résonance médiatique.
2/9/24
Qu'est-ce qui fait qu'on peut se réjouir de peu de choses ?
C'est qu'on a une conscience extasiée.
Comment cela se fait-il ?
On a gardé son étonnement et sa joie d'enfant... D'enfant avant la faute ou avant la domestication sociale ou avant l'écrasante habitude.
3/9/24
Elle me dit : "Saura-t-on jamais le sens véritable d'une conduite ? Y en a-t-il seulement un ? Ou plusieurs ? Les interprétations se battent, se croisent et se succèdent. Et le plus souvent, tapie derrière elles, en embuscade, l'évaluation !... Loin de "l'interprétose" et du jugement, j'ai parfois juste envie d'observer les conduites longuement avec la candeur des enfants..."
4/9/24
Pas d'humour sans distance, notamment avec les conventions qui relient les humains. Ces prises de distance répétées finissent par produire cet effet que l'humoriste est toujours seul.
5/9/24
La médiocrité se mesure au nombre de fois où l'on fait des choses par habitude ou par conformisme ou pour passer le temps.
6/9/24
Les relations avec les autres sont d'autant plus embrouillées que nous ne distinguons pas trois pôles : notre personnalité, celle de l'autre et les modalités de la relation entretenue avec lui.
7/9/24
Il me confie qu'à force de ne plus se faire d'illusions sur les autres et d'adopter le point de vue de La Rochefoucauld (l'égoïsme caché dans la plupart des conduites), il craint de passer à côté de mouvements généreux et d'élans sincères.
L'"ère du soupçon" (Sarraute) a empoisonné les relations, lui dis-je.
8/9/24
Attention la synthèse n'est pas l'addition : dans la synthèse les éléments fusionnent et perdent leur identité. La synthèse est une création.
9/9/24
On reconnaît les choses, on croit les connaître, et l'on ne s'y attarde plus... L'impératrice Habitude à simplement fait son office en bâillant.
10/9/24
Il me dit : "Des habitudes, tout le monde en a. Mais alors la vie elle-même comme habitude, c'est une perpétuelle somnolence !"
11/9/24
"La mémoire et l'habitude sont les fourriers de la mort", dit Charles Péguy.
En fait elles nous donnent l'illusion de l'éternité et donc nous éloignent du ressenti intense de la vie comme miracle éphémère.
12/9/24
Comme celle de l'apprentissage, la force de l'habitude témoigne en faveur de l'acquis par rapport à l'inné.
13/9/24
Désir Quichotte : l'aventure. Désir Pansa : l'habitude.
14/9/24
L'amoralité ordinaire c'est l'habitude, par quoi l'énormité de la douleur d'autrui compte à peine pour soi.
15/9/24
"Les hommes apprennent en enseignant", écrit Sénèque. On retrouve là le double sens du verbe "apprendre" et cette idée de la transmission ininterrompue.
Mais enseigner c'est toujours s'adapter à un public qui n'a pas forcément la même envie d'apprendre que soi... D'où des simplifications et des séductions encombrantes.
16/9/24
Contre la vieillesse cultivez la fantaisie, l'intelligence et l'enthousiasme !
17/9/24
Part d'illusion d'optique dans l'envie. On voit le supposé bonheur des autres de l'extérieur mais on ne sait pas ce qu'ils éprouvent à l'intérieur.
18/9/24
L'envie : une des expressions de notre avidité sans bornes.
19/9/24
Voilà, il a voulu être au-dessus, en surplomb, à la fois par orgueil et envie de sagesse, et peu à peu il s'est mis en-dehors, détaché. Et dans ce détachement l'amour l'a quitté. Et bien sûr alors la pensée de la mort s'est installée.
20/9/24
L'objectivité d'un romancier ?... D'où parle-t-il ?N'oublions pas son système de valeurs qui, par définition, priorise l'écriture, la création et sa nécessaire part de jeu, de solitude, d'inventivité... Et cela ne jouerait pas dans l'évaluation inconsciente de ses personnages et de leurs sentiments ?
21/9/24
Quand on lui demandait son opinion, il revenait sans cesse aux faits. Fronçant les sourcils dans un effort pour ne pas céder à ses sentiments. Les sentiments où pousse l'opinion...
22/9/24
"La vie humaine commence de l'autre côté du désespoir", dit un personnage dans "Les Mouches" de Sartre. Oui il y a la mort, les souffrances, l'absurdité de notre condition... et pourtant il faut bien accepter tout ça, sauf à vivre au rabais, écœuré en attendant la mort.
23/9/24
Besoin de croyance chez l'être humain. Les restes du mythe, de l'enfance, d'un optimisme candide...
24/9/24
Il me parle de tous ces gens occupés seulement à emplir le vide en eux par n'importe quoi. La Consommation aurait généré ce type humain... Une consommation qui vide plus qu'elle n'emplit, qui fabrique des badauds plus que des promeneurs, des hédoniste de l'éphémère plus que des artistes de leur vie... Soit, mais il oublie que la division du travail a condamné bon nombre de ces gens à des tâches insignifiantes ou inintéressantes durant de nombreuses années. Cette insignifiance les a peu à peu vidés, et ils ne savent plus où se tourner pour retrouver de la consistance...
25/9/24
"Le destin mêle les cartes et nous jouons", écrit Schopenhauer. Terrible, me dit-elle, de voir comme certains ont reçu d'aussi mauvaises cartes !
26/9/24
Vivre telle situation ravive les souvenirs qui lui sont associés, mais ce qui est à la fois troublant et significatif, c'est quand les souvenirs qui émergent semblent n'avoir aucun rapport avec la situation...
27/9/24
Il me dit, après avoir lu Proust, que le présent est impalpable, le futur inexistant et que nous ne pouvons nous complaire et nous ébattre que dans le passé, seul monde mental à être consistant.
28/9/24
La mémoire retient bizarrement certains détails et l'on doit reconstituer une étrange mosaïque d'où semble manquer l'essentiel.
29/9/24
On sait qu'on a oublié ceci et cela, mais par définition il n'y a rien dans ce savoir...
L'étrange savoir creux de l'oubli.
30/9/24
L'illusion rétrospective embellit le passé... En devenant l'historien scrupuleux de soi-même on passe d'une mémoire affective et esthétisante à une mémoire plus objective et socialisée.