1/9/25
Le fond et la forme étaient si entrelacés que lorsqu'on voulut les séparer l'œuvre se brisa net.
2/9/25
Elle me parle abondamment des femmes hystériques en affirmant, ce qui est contre-intuitif, qu'il y a quelque chose de mort en elles.
Elles simulent la vie, comédiennes de leur existence, soignent leur apparence, mais leur intériorité reste mesquine, blasée, éteinte, et il leur faut sans cesse plaire ou se distraire. Du plus profond d'elles rien n'émane. Elles piègent la vie des autres dans leur permanente séduction, mais ce vampirisme jamais ne les nourrit.
L'hystérie : vain spectacle, simulacre de vie et indifférence en profondeur.
3/9/25
" Aucun être humain ne peut réellement en comprendre un autre", écrit le romancier Graham Greene. Oui mais cela ne doit pas décourager une attitude plus compréhensive qu'explicative, car cet autre n'est pas un objet de savoir mais, si différent et insupportable soit-il, un semblable : ainsi pense l'humaniste. Mais ne s'illusionne-t-il pas ?
4/9/25
Comment pouvons-nous, dans le même temps, adorer le poisson que nous gardons dans son aquarium et avaler sans émotion une boîte de sardines ? Dès qu'un animal entre dans notre sphère affective, nous l'individualisons, nous nous attachons à lui et lui prêtons des sentiments, enfin nous lui abandonnons des parties de nous-mêmes.
5/9/25
Il me dit que nous ne pouvons découvrir nos richesses intimes que dans la solitude... Mais comme ce qui se présente en premier à nous est alors, souvent, l'ennui, la morosité ou la rumination, nous ne cherchons pas plus loin et allons vite nous distraire avec les autres.
6/9/25
Observation pointilleuse sur fond d'absurde : Kafka.
7/9/25
L'obsession pornographique est la preuve de l'impénétrable et invincible mystère du sexe.
8/9/25
Les créateurs de l'art brut ne représentent-ils pas les "bons sauvages" de l'art pour un milieu très civilisé ?
9/9/25
Pars de l'idée, pour être mieux adapté à leur monde, que les choses cachent souvent de malicieux démons.
10/9/25
Je ne veux même plus entendre ce qui appartient à l'ancien monde, tonne le révolutionnaire radical... Cette censure prépare le refoulement. Et le refoulement un retour probable sous une forme déguisée.
Mieux vaut intégrer en le contextualisant ce qui appartient à l'ancien monde. C'est sans doute pénible parfois, mais plus prudent.
11/9/25
La prise de conscience d'un acte consiste toujours à lui superposer un acte nouveau. Ainsi la simple respiration en pleine conscience va modifier cette respiration en la rendant en général plus profonde... C'est sur ce fait que s'appuient la psychanalyse ou la thérapie cognitive.
Cependant le sens profond d'un acte peut échapper à la prise de conscience, et donc l'acte ne peut pas alors être modifié.
12/9/25
Dans toute conscience de soi il y a un jugement moral potentiel. Beaucoup s'abandonnent à la confusion ou à leurs passions pour ne plus être conscients d'eux-mêmes.
13/9/25
Pas d'acte volontaire sans une synthèse réalisée, et pas de synthèse possible sans un acte de pleine conscience.
14/9/25
"Cette place immense en moi qu'elle n'a jamais occupée, c'est là mon espace de création", me dit-il. Et je songe à tous ces artistes qui ont commencé leur œuvre après une grande déception amoureuse...
15/9/25
Elle me parle longuement de la puissance de l'humeur. Elle a cette capacité, pour le meilleur et surtout pour le pire, de baigner, voire d'engloutir tout notre esprit. Et même l'intelligence se met à son service... Alors il faut à tout prix sauvegarder une instance qui lui échappe, en surplomb.
16/9/25
Dans une philosophie de l'immanence, la transcendance est remplacée par la vitesse. Cf. Deleuze. Picabia avait à ce propos une formule amusante : "Si tu veux être suivi il faut courir plus vite que les autres".
17/9/25
Les valeurs morales sont dictées par l'intérêt supérieur du groupe, dans un environnement plus ou moins hostile. On ne s'en souvient plus bien sûr. Ces valeurs morales doivent être posées comme transcendantes pour être toujours respectées. Les religions les accompagnent de récits fabuleux qui les renforcent.
18/9/25
Observons comment les valeurs sont "cuisinées" dans la propagande, les idéologies.
19/9/25
Après m'avoir parlé de la puissance de l'humeur, elle m'entretient de celle des passions... "Nous sommes tous des volcans éteints dans lesquels sont profondément enfouis des amours et des blessures enfantines... Mais une secousse peut réveiller ces volcans, et alors c'est le déchaînement de la passion, destructrice et/ou fertilisante. Et il y a une joie secrète à s'abandonner à la puissance des passions, qui semble plus fortes que la mort et le temps, vécues même comme emprise du divin".
Je pense au terrible réveil qui vient après la fin de l'éruption volcanique. Certains se suicident...
20/9/25
"On n'aime plus personne quand on aime", écrit Proust. Mais alors c'est peut-être ça aussi qu'on voulait : une rupture avec la vie sociable, un enfermement, une folie qu'on n'était pas capable de trouver autrement !
21/9/25
Pour lui la passion reste une manière très efficace, mais qui ne tient pas la distance, d'oublier l'absurdité de la vie. Au moins de s'en distraire...
22/9/25
Vous aviez l'impression enivrante que votre passion amoureuse était un appétit de sensations inconnues, nouvelles. Or à votre insu c'était une part de votre enfance revécue, revisitée avec une conscience d'adulte.
23/9/25
L'absolu, pour les incroyants, la passion leur en donne, il est vrai, un accès intermittent...
Ils veulent s'y fondre, mais retombent sur leur moi relatif. C'est que l'éternité, le lieu idéal, l'extase permanente ne sont décidément pas notre lot !
24/9/25
Comme sentiment exclusif et dominateur, monoidéisme, répétition compulsive, la passion peut à la longue devenir souffrance pour un esprit qui aspire à retrouver son vagabondage, la liberté de ses rêveries nomades.
D'ailleurs, pour se guérir d'une passion, il est conseillé de se changer les idées, de voyager...
Mais il y a aussi des passions actives, marquées par l'invention, le projet, l'ouverture. De ces passions l'on ne souffre pas plus qu'on a envie d'en guérir.
25/9/25
Sur les passions actives, créatives, fécondant l'avenir et le présent : elles intensifient la vie, elles permettent d'échapper à l'ornière de l'habitude et à la médiocrité du divertissement et des plaisirs.
Mais tout le monde n'est pas habité par elles et elles coïncident rarement avec les emplois majoritaires que propose la société.
26/9/25
"Nous n'avons qu'une seule vie pour embrasser le tout, mais la passion, par cette forme de "spécialisation" qui la caractérise, nous vole cette possibilité", me dit-il. Et je lui demande s'il peut envisager une passion pour le Tout. Et il me répond alors : non, c'est trop abstrait !
27/9/25
Si l'humanité n'emprunte pas les voies de la solidarité un minimum elle se perdra. La question prioritaire à l'échelle du monde n'est plus la production mais la répartition. Bien entendu ce que visent les nationalismes n'est pas du tout la répartition mais la prédation. C'est le germe des guerres présentes et à venir.
28/9/25
La production/consommation à outrance à fait de notre planète une immense décharge.
L'anthropocène ou capitalocène, c'est d'abord la poubelle en scène !
29/9/25
La population du grand Tokyo c'est 37000000 d'habitants, celle de Bombay 21000000 d'habitants... Et il y a Shangai, Lagos, Karachi, etc. Les citadins vont représenter 60% de la population mondiale et ils seront bientôt 5 milliards.
Concrètement : des infrastructures congestionnées, des montagnes de déchets, de longs temps de transports, un stress généralisé, l'écrasement par les autres, etc. Les mégapoles sont devenues les images modernes de l'enfer.
30/9/25
Elle me dit qu'à ce qu'elle constate, les gens se supportent de moins en moins et que, pour ne point se haïr, ils se blindent d'indifférence.