7/9/21
Il n’y a que la littérature qui nous permette d’entrer dans l’intériorité d’un autre. Son vécu, ses références et obsessions, le flux de sa conscience, etc. La tentative la plus extraordinaire à cet égard est bien celle de James Joyce : Ulysse. Mais il y rajoute tout son génie littéraire, et du coup une partie de la tentative est déviée, mais enfin il reste assez pour qu’on puisse entrer profondément dans une subjectivité, voire plusieurs (monologue de Molly Bloom).
9/9/21
Du latin invidia (= jalousie, désir), l’envie. Si répandue, si banale…
- L’une des caractéristiques de l’ego, c’est de se comparer. Celui-ci a plus, celle-là est mieux, ils sont plus heureux, etc.
- Quand on est un peu moins malheureux (car quand on l’est trop, plombé par son malheur, on ne considère même plus autrui), on commence à envisager une désirabilité de ceci ou cela par le biais de ce que les autres sont supposés vivre.
- L’apparence, les discours nous trompent. La belle vitrine que présentent les autres nous fait croire que tout leur magasin est à l’identique. Or nous avons un accès direct et permanent à notre propre arrière-boutique, peu reluisante.
- Dans « envie », il y a tout de même « vie »… « Je l’envie » n’est pas si loin de « J’ai envie ». Ce qui nous renvoie au 2)
- Le sentiment de plénitude existe mais il est rare. L’envie toujours vise la présence supposée de ce sentiment chez les autres, et on l’imagine continu.
11/9/21
J’aimais beaucoup sa façon d’être : il observait, il étudiait constamment. Soi, les autres, le monde… Son attention était telle qu’il n’avait presque plus l’occasion de juger. Et cette attitude globale, studieuse et attentive le faisait si calme !
13/9/21
L’artiste habité, inspiré est sans doute l’un des êtres les plus heureux, triomphants, c’est vrai. Oui, mais quand il est en panne, en revanche, vide, alors c’est une épave…
15/9/21
Pourquoi tu es boulimique ?
- Parce que suis frustré(e), je me « venge » agressivement sur la nourriture.
- Pour me protéger contre les angles blessants de la vie, je me capitonne de graisse.
- C’est ma vanité à moi : j’ai besoin, dans l’espace, d’occuper plus de place.
- Parce que j’ai un sentiment récurrent de vide que je n’arrive à combler qu’ainsi.
- Je crois encore que ça me protègera de famines futures, c’est ma peur ancestrale.
- Parce que j’aimais beaucoup ma mère, son sein. Ils me manquent toujours
19/9/21
C’est le Désir qui exalte, auréole, valorise l’objet bien entendu (« Et dans l’objet aimé, tout leur devient aimable » Molière). Et comment Il s’y prend pour le parer ainsi, le magnifier… Une grande et permanente leçon pour les artistes !
21/9/21
De la vigilance à la défiance, de la défiance à la paranoïa, de la paranoïa au complotisme. À quel moment ça dérape ?
Par les séries télévisuelles, les romans, les films, etc., les fictions ont de plus en plus envahi nos esprits. Or ces fictions sont documentées, habilement enrobées de faits réels pour être encore mieux absorbées. Il faut désormais joindre à la vigilance, la lucidité une dose de rigueur scientifique. Mais beaucoup n’ont pas envie et se roulent avec une joie trouble dans le délire et l’hallucination…
23/9/21
Qu’est-ce que vous préférez : une vie de plaisirs variés, coûteux sur fond d’abattement ou bien une « sobriété heureuse » ? Les écologistes croient que tout le monde évidemment choisirait la deuxième possibilité. Mais non, ils se font des illusions, ce n’est pas gagné !
25/9/21
Les jeunes en voulaient aux vieux, les femmes aux hommes, les ethnies se haïssaient, et même les homosexuel(le)s et les hétérosexuels ne se supportaient plus. On était arrivé à un tel degré de fragmentation sociale ! Groupes et sous-groupes se heurtaient, y compris dans les mêmes familles politiques. Les positions se crispaient, l’affrontement était continuel et la confusion à son comble. Ce qui n’empêchait pas, comme d’habitude, les petits malins sans foi ni loi de profiter de cette situation de discorde généralisée pour tirer les marrons du feu. Et le pouvoir en place de se réjouir, puisque, selon l’adage, « diviser pour régner » reste la formule efficace. Certains, de plus en plus nombreux, aspiraient secrètement à la venue d’un chef omnipotent, autoritaire, qui viendrait mettre de l’ordre dans toute cette chienlit…
27/9/21
Dans le Dictionnaire du Diable, Ambrose Bierce définit ainsi la fidélité : Vertu particulière à ceux qui sont sur le point d’être trahis.
Certains sont convaincus que l’autre ne peut que les trahir. C’est qu’ils ont tellement ressenti en eux-mêmes cette propension à la trahison (ils se sont efforcés bien sûr de l’oublier) qu’ils ne peuvent pas concevoir que l’autre n’ait pas cette inclination. Mais ce qu’il y a d’embêtant avec ce genre de paranoïa ou de jalousie compulsive, c’est que parfois elle croise la réalité… On retrouve tous ces mécanismes dans l’œuvre de Proust (« La Prisonnière »).
29/9/21
Il a dit : « J’en ai assez de la grande ville. Toutes ces individualités ! Elles me relativisent tant ! Je sais que je ne suis pas grand chose, mais je n’ai pas besoin qu’on me le répète. Sur ces trottoirs encombrés, j’ai l’impression de n’être plus qu’un flux anonyme, bille de métal coulant parmi les autres billes, comme dans le jeu japonais de pachinko… Dans un village, une petite ville, on est tout de suite repéré comme figure singulière. On finit par y croire à son personnage, même si l’on n’est pas plus intéressant pour autant… ».
1/10/21
C’est le seul fait de vivre qui nous fait entrer dans le Temps.
Si brièvement que ce soit, notre vie a interrompu l’éternité du néant.
3/10/21
On associe à juste titre le totalitarisme, une dictature au sentiment de peur. Et l’on peut alors en déduire qu’un régime où ce sentiment n’existe pas ou peu est une démocratie.
Mais les progrès des sciences humaines dévoyés en techniques variées de persuasion ont fini par rendre possible un tel conditionnement des individus qu’il n’est plus nécessaire de les tenir par la peur. Ils obéissent sans même s’en rendre compte. Ils sont aliénés, toujours un peu absents, mais ça va, ils sont bien contents de n’être pas en dictature.